« Les Misérables », le chef d'œuvre littéraire de Victor Hugo, une nouvelle fois transposé sur grand écran par Hollywood ? Pas exactement puisqu'il est ici question d'un film musical britannique, réalisé par Tom Hooper, d'après la comédie musicale à succès de Claude-Michel Schönberg (1980), elle-même librement adaptée du roman éponyme de Victor Hugo (1862). Après avoir atteint les cimes du box office us et conquis le cœur des critiques américaines, le film-chanté de Tom Hooper, au budget pharaonique et au casting prestigieux (Hugh Jackman, Russell Crowe, Sacha Baron Cohen chez les hommes, Anne Hathaway, Amanda Seyfried, Helena Bonham Carter côté féminin) débarque enfin dans l'hexagone, en pleine période de récompenses en tout genre (Golden Globes et Oscars en ligne de mire).
Quel fiasco ! Si le fond est irréprochable bien qu'un peu longuet – Victor Hugo source inépuisable d'inspiration pour toujours – « Les Misérables » pâtit d'une mise en scène répugnante, faisant passer le précédent long métrage du metteur en scène, « Le Discours d'un roi », pour un accident de parcours, en dépit de sa presse dithyrambique et de sa reconnaissance avec plusieurs Oscars.
Inscrit dès sa conception dans le style et la tradition de Broadway – comprenez qu'il joue la carte du spectacle distingué à grands renforts de millions de billets verts (la séquence d'ouverture figurant un bateau échoué dans un bassin gigantesque donne le ton!), de réalisateur fraîchement Oscarisé et de pléthore d'acteurs éminents – « Les Misérables », film au titre symboliquement prophétique, n'en est pas moins qu'une overdose d'effets obscurs, mal fagotés : travellings ratés, cadrages de traviole ultra rapprochés justifiés pour être soi disant au plus près des comédiens, ellipses balancées maladroitement, indigestion d'images dans des décors carton pâte, absence totale de direction d'acteurs, surenchère de chants. Une accumulation de faux artifices de réalisation on vous dit !
Les chants, parlons-en. Hooper a eu la bonne idée de capter les voix de ses comédiens lors des prises de vues. Sur le papier, ce projet, assez fantasque mais résonnant comme une évidence, permet de corriger les vilaines retouches, souvent superficielles, opérées en studio. Le mauvais point en revanche, déjà abordé plus haut, est cette absence de dialogues pour pimenter l'ensemble, transformant finalement l'essai en film-chanté, et non plus en comédie musicale. On aime ou on déteste !
Si Anne Hathaway réussit l'exercice (périlleux) de style en nous décochant la petite larme avec son magnifique « I dreamed a dream » et que Hugh Jackman s'en sort pas trop mal en faisant le boulot, la faute de mauvais goût revient à Russell Crowe et son timbre de voix rauque absolument abject. Qui plus est quand le célèbre « Gladiator » chante honteusement faux. Le reste du casting est inodore et sans saveur, entre le couple Bonham Carter & Baron Cohen reprenant à peu de choses près leur rôle respectif de « Sweeney Todd » dans une séquence immonde, une Amanda Seyfried décidément de plus en plus insipide, et l'acteur Eddie Redmayne promu on ne sait comment nouvelle étoile d'Hollywood.
Bilan : On s'interroge sur le fait qu'un film pareil ait pu attiré autant d'éloges outre-Atlantique. L'accueil glacial en France prouve que lorsqu'il s'agit de Hugo, nous sommes peut être forcément moins cléments et plus critiques. Pas touche à notre patrimoine littéraire !