Alors concernant cette adaptation, il y a de quoi dire. D'un, si vous n'avez pas lu ou ne connaissez pas un minimum le roman de Victor Hugo, la moitié du scénario va vous passez sous le nez sans que vous puissiez comprendre, de deux, si vous avez conscience de la puissance impériale de l’œuvre entière de Hugo et êtes respectueux envers sa littérature, ne vous égarez surtout pas devant cette adaptation !
Il y avait pourtant de quoi rêver, sans doute trop niaisement, mais de quoi espérer un bon gros morceau de bravoure à défaut d'un chef d’œuvre. Les moyens semblaient gros, le casting conséquent, et l'idée d'en faire une comédie musicale possédait un potentiel gigantesque. Bon, que le film ne tienne pas un round face au livre, c'était couru d'avance, mais qu'il tombe dans cette abîme de ridicule avec un tel panache c'était assez imprévisible. Il ne s'agit pas ici d'une retranscription sous forme de bête produit d'honnête facture plutôt fade et correct, en réalité Tom Hooper a choisi d’emprunter la voie la plus difficile : pousser son film sur des chemins des excès redoutables, le sortir du conventionnel. Intention louable mais qui se solde par un échec formidable.
Je pense qu'il a tenté d'accorder son film avec les tonalités d'un opéra, mais c'est visuellement raté. La caméra colle grossièrement aux visages des comédiens qui, si ils s'en sortent pas mal, ressortent de ce traitement comme des poupées ridicules qui donnent plus envie de rire que de pleurer. Anne Hataway est bonne actrice, et pourtant pas une goutte de pitié ne poindra pour elle. Hugh Jackman se donne à fond, et réussit tant bien que mal à s'extirper des méfaits de cette caméra mal tenue, et le meilleur à mes yeux est de loin Russel Crowe, majestueux Javert qui recrée fidèlement l'esprit du personnage. Ses arrivées à cheval sont quant à elles correctement filmées et lui confère une aura de « grand méchant ». Aaron Tveilt livre un Enjolras sans épaisseur qui se vautre dans le conformisme, Amanda Seyfried un bien gentillette en Cosette mais aussi transparente que Scarlett Johansson dans Avengers. Eddie Redmayne se révèle au bout du compte convaincant en Marius, même si la plupart du temps il m'a agacé plus qu'autre chose. Reste le couple Helena Bonham Carter / Sacha Baron Cohen vraiment très drôle, dont les gags débordant de crasse font mouche à chaque fois qu'ils se pointent. Finalement, c'est le plus gros problème de ce film. Un problème de la taille d'une montagne : les situations comiques sont des plus réussies, le tragique sombre dans le comique ou l'ennuyeux et ne parvient que très, très rarement a produire le moindre petit effet. Ce qui est en totale contradiction avec le chef d’œuvre monstrueux de Victor Hugo ! Il n'y a que la mort de Javert (encore lui) qui s'en montre digne, grâce à une envolée virtuose qu'il était franchement temps de voir arriver, et une partition musicale magistrale.
Il faut admettre que la musique est excellente, que les thèmes de qualités foisonnent, certains d'entre eux sont mémorables. De plus, l'emballage esthétique s'exacerbe en de folles images baroques colorées de détails, magnifiés par une photographie superbe, des décors somptueux et des effets spéciaux à la hauteur. Tout comme le déroulement de l'histoire. Hooper zappe des séquences dramatiques importantes (l'auto dénonciation de Mr Madelaine), fait défiler la première partie avec une vitesse excessive pour s'appesantir sur des moments qui sont loin d'être ceux sur lesquels il fallait insister. Certes il n'était pas facile de porter 2000 pages à l'écran en un seul film, et Hooper échoue malgré une durée de 2h30.
Si l'aspect grandiose a su être conservé pour bon nombre de séquences (plans de Paris impressionnants), l'intensité reste à réviser devant cette piètre scène de la barricade, peu lisible, aussi mal montées que les combats idiots de Michael Bay et dont tout sens du rythme épique fait défaut.
La mort de Jean Valjean soulève un peu plus que le reste, et achève de propulser Hugh Jackman au rang des grands acteurs définitivement théâtraux. Bien entendu, rien qui puisse rivaliser avec la bête de Hugo, rien qui réussissent à en amener le moindre petit fragment de génie.
Le rêve d'une adaptation des Misérables capable de nous faire ressentir le frémissement de la puissance d'une des plus incontournables pièces de la littérature françaises aurait pu se conrétiser à une autre époque, celle où naissaient des mythes épiques tels Lawrence d'Arabie. Un long métrage de 4h avec entracte aurait pu lui octroyer une véritable consécration cinématographique, en faire une pierre iconique du 7ème art. Mais cette époque est révolue et il semble aujourd'hui impossible de voir une telle production aboutir. Les Misérables de Tom Hooper enfonce au maximum ce faible espoir dans le néant.