Noble démarche, résultat peu probant. En nous narrant le destin de trois personnages survivants de la catastrophe de Tchernobyl, au moment de l'accident puis 10 ans plus tard, mais en occultant complètement l'évènement lui-même (on a juste droit à deux/trois plans assez moches de la centrale, au loin, sous un ciel crépusculaire et avec de la fausse fumée radioactive en transparence, beurk !), la réalisatrice Michale Boganim cherche à nous faire ressentir les effets du drame plutôt que nous le montrer. Pourquoi pas, mais c'est raté ! Il faut dire qu'elle n'est pas aidée par une musique originale à chier qui, juxtaposée à des jolis plans de la campagne ukrainienne ou d'un univers urbain aussi laid que fascinant, annihile complètement toute la poésie qui pouvait éventuellement se dégager de ces images. Et puis surtout, tout en ayant l'air de ne pas y toucher, elle fait dans le lourdingue : avec en sous-texte un discours plus anti-soviétique qu'anti-nucléaire, elle nous assène une bonne cinquantaine de plans sur des affiches de propagande. C'est bon, ça va, les-vilains-cocos-qui-promettent-progrès-et-bonheur-mais-qui-font-vivre-leurs-concitoyens-dans-des-immeubles-tout-pourris-et-qui-sont-pas-foutus-d'entretenir-leurs-centrales-nucléaires, on avait compris du premier coup, ou on le savait avant, pas la peine d'insister en tous cas. Pas fine non plus la métaphore des deux amants d'Anya (Olga Kurylenko, très bien, qui n'est donc pas juste une belle plante décorative pour salon d'agent secret britannique) : l'étranger qui représente l'avenir, l'aventure et l'oubli, le local qui symbolise le passé, les racines et la mémoire, pfff... Lourdingue et naïf, aussi, comme le personnage de Valery (Ilya Iosifov) qui nous pond à 16 ans une dissertation digne d'un CM2... Bon, on trouve quand même un intérêt certain à la visite guidée de la zone contaminée (et du coup on s'interroge un peu sur le bien-fondé de cette nouvelle forme de tourisme). Là, effectivement, ça vaut le coup mais c'est la partie la moins intimiste du film. Comme quoi Boganim a bien raté le sien, de coup. Si elle a su malgré tout éviter habilement bien des écueils (le larmoyant, le vindicatif...), ça n'a pas empêché "La Terre outragée" de sombrer dans l'ennui.