C'est l'histoire d'Anya, une Ukrainienne qui parle aussi français. En cette fin avril 1986, elle se mariait... Dix ans plus tard, la voilà guide d'un désastre. Pripiat est devenue Zone interdite. Mieux vaudrait ne pas même lire le pitch, car l'essentiel du récit y est livré. Cependant, l'intérêt de ce film ne se trouve évidemment pas dans le suspense de la fiction mais dans l'atmosphère d'absurdité tristement mélancolique qui imprègne l'histoire traumatique de cette jeune femme à qui Tchernobyl a volé l'avenir. Le jeu d'Olga Kurylenko, malgré quelques imperfections, captive immanquablement. La première partie, centrée sur le mariage, nous plonge dans l'épisode de la catastrophe de manière non-spectaculaire, ce qui révèle d'autant l'énormité du mensonge du régime totalitaire (on pourrait faire de même pour Fukushima, minimisé par un Japon fasciste). Préserver le nucléaire semble incompatible avec le respect de la démocratie. Pas de mise en scène grandiloquente, pas de musique tonitruante, pas de clichés émotifs: les faits se déroulent sèchement, passivement, et les souffrances nous parviennent en toute pudeur. Peut-être trop, au risque d'y percevoir un échec à transmettre l'horreur. On entend mentionner très délicatement cette «Absinthe» de l'Apocalypse biblique, qui est venue se déverser dans la gorge des habitants et sur une grande partie de l'Europe. La suite se focalise sur l'après: comment vivre avec ce passé si proche, encore là, toujours là? Michale Boganim s'attaque à un tabou local. Elle s'en prend à la tentation de l'oubli, tout en refusant de tomber dans le discours officiel (la glorification des liquidateurs, le sacrifice). Ici, on pénètre dans l'intimité d'un vécu. Sans dolorisme. On s'emmêle un peu dans les pinceaux au milieu des atermoiements sentimentaux de la douce-amère Anya, en valse-hésitation. On s'interroge sur le portrait du jeune Valéry, qui navigue entre repli névrotique et élan éperdu pour un monde qui lui a échappé, en quête d'une racine salvatrice. Malgré ces choix discutables, qui inspirent un vague ennui mêlé d'intérêt poétique, le portrait humain se tient. L'ensemble conserve le goût d'un désespoir insondable et d'un attachement obscur à une terre fantôme.