Les fidèles lecteurs de ce blog trouveront peut-être un goût de déjà vu à cette critique, qui leur rappellera celles de " Charly" ou de " Tout est pardonné" : même décalage entre l'emballement de la critique et le profond ennui que j'ai ressenti, avec le sentiment lancinant d'être maintenu à l'extérieur de l'histoire. Ici, dans "L'Enfant d'en haut", la première demi-heure concentre cette impression : la caméra suit en plans serrés Simon qui de salle hors-sac en terrasse de café d'altitude accumule les larcins, le visage camouflé sous son casque et sa cagoule. La démarche intellectuelle de la réalisatrice (reserrer le cadre sur Simon pour montrer son extériorité à ce milieu de la montagne pour riches, par opposition aux plans larges qui découvrent le paysage tristement bétonné de la vallée industrielle) rend cette très longue scène d'ouverture encore plus ennuyeuse.
L'apparition de Léa Seydoux et l'amorce d'une description des relations entre Simon et elle ouvrent une autre piste, vite refermée avec la fugue de la soeur irresponsable : revoilà Simon bien seul, et nous avec à devoir le suivre dans ces scènes interminables de rapine filmées dans la continuité. Alors, par intermittence, le récit descend de la station pour traiter de son véritable sujet, l'étrange relation entre Louise et Simon, où le gamin ramène l'argent à la maison alors que la soi-disant adulte est incapable de garder un boulot, et se met à soutirer à Simon son argent en passant de la supplication au chantage. Entre les deux, l'objet de ce chantage est l'amour dont de gamin élevé apparemment tout seul manque si cruellement, et que Louise ne lui offre qu'occasionnellement avant de laisser exploser sa dureté .
La révélation du milieu du film parvient de façon éphémère à créer une tension et un enjeu ; mais la narration redevient vite décousue et l'on a à nouveau le temps de s'interroger sur l'intérêt de ce conte social qui louche sur les personnages des Dardenne, sans approcher la cohérence des frères de Seraing, loin s'en faut. Ursula Meier se tient à son choix : rester le plus extérieur possible de ses personnages, en les décrivant comme une entomologiste. Cette description organique que certains encensent m'a laissé perplexe : après 90 minutes de film, on n'en sait pas plus sur cette famille si particulière. On les voit s'ébattre dans une société suisse aussi clivée, on comprend bien leurs manques et leurs jeux relationnels, mais on ne sait finalement pas grand chose d'eux, de leur histoire et de leurs représentations.
C'est sans doute ce parti pris d'extériorité qui n'a pas fonctionné avec moi, et qui explique pourquoi l'ennui s'est mêlé à l'agacement, malgré la qualité de jeux des acteurs (Kacey Mottet Klein, déjà vu dans "Home" et qui jouait Gainsbourg enfant dans le film de Joann Sfar, et Léa Seydoux, comme toujours excellente) et de vrais idées de mise en scène (la verticalité du récit, entre le haut et le bas symbolisé par le téléphérique, l'opposition entre l'emmitouflage du haut et la quasi-nudité du bas...).
http://www.critiquesclunysiennes.com/