Home, de la même Ursula Meier, a été un des films les plus remarquables, les plus originaux, les plus intelligents des dix dernières années. Et un des plus grands rôles d'Isabelle Huppert. Qui peut oublier cette mère, murée dans sa folie au bout de son tronçon d'autoroute désaffectée? La Huppert était sublime. Le film était tellement bien que j'étais persuadée qu'Ursula Meier était suisse. Ben non. Française, dites donc! Cock a doodle doo! J'attends impatiemment de le revoir à la télévision où, que je sache, il n'est jamais passé sur une chaîne non cryptée. Lamentable.....
Même cadre de famille pathologique, plus resserrée encore, réduite ici à deux personnes, un gamin, et une fille encore assez jeune pour se faire passer pour sa grande soeur. Louise travaille (rarement), elle ne travaille pas, elle ramène des hommes qui la tabassent, ou l'abandonnent au bord d'une route, elle finit parfois ivre morte au pied de son HLM. Un HLM planté, non loin d'un centre industriel, dans une de ces vallées alpestres que la proximité de la montagne ne rend que plus sinistre. C'est Simon qui fait vivre la famille. Organisé et industrieux comme un hamster, il prend chaque jour deux bennes pour parvenir à une luxueuse station, très internationale, et là, il vole: de ces paires de ski qu'on abandonne, plantés dans la neige, pour aller becqueter, et qu'on ne s'étonne pas de retrouver en sortant, nous attendant sagement! Simon est un négociant avisé, il choisit de beaux skis, dernier modèle, mais aussi, en fonction des commandes, des masques, des gants. Il a des planques, il a des acheteurs: un saisonnier anglais d'un restaurant d'altitude pas plus honnête que lui, mais encore les gamins de la vallée, c'est qu'il leur fait des prix défiant toute concurrence. Il n'a aucun interdit, aucune barrière morale, il pique aussi bien dans le vestiaire des saisonniers que dans les porte monnaie /nounours des marmots d'une classe de neige. Tout s'achète, tout se vend, même la permission de dormir blotti contre Louise quand elle n'a plus de fric pour acheter ses cigarettes.
Comme dans Home, le monde extérieur n'existe pas. En dehors de la famille, tout est irréel, juste un magasin peuplé de fantoches où on se sert, où on prend, où on prélève ce qui sera ensuite échangé contre un sandwich ou un paquet de pâtes. Pourtant, Simon a aussi parfois la tentation d'être reconnu pour autre chose que l'ombre furtive qui glisse, deux paires de skis sur les épaules. D'être aimé, tout simplement, cet amour qu'il attend désespéremment de Louise et qu'elle lui donne si mal. Devant une riche touriste anglaise (Gilian Anderson), tellement attentive à ses enfants, il fait l'intéressant.... Mais si Home était une histoire de folie, la mère étant manifestement un cas pathologique, Louise est juste une paumée, une pauvre fille, ce qui rend l'histoire encore plus pathétique.
Louise c'est Léa Seydoux, magnifique, qui est bien une des jeunes actrices les plus prometteuses de sa génération, et Simon, c'est l'excellent Kacey Mottet Klein.
Que de bons films en ce moment! Depuis mon retour de montagne, je nage dans le bonheur. Avec L'enfant d'en haut, on touche vraiment les cîmes.... Eh oui, c'est aussi le monde d'en haut, celui des riches, des heureux, face au monde d'en bas, celui des prolos. Simon achète, évidemment, en début de saison, son forfait remontées mécaniques, mais il n'a jamais skié. Et même pas d'envie d'apprendre. Ce n'est pas son monde. Il est, définitivement, un enfant d'en bas.
Je vais juste faire une critique -qui porte sur la crédibilité de l'histoire. Combien de temps, à votre avis, un petit vendeur à la sauvette (skis, lunettes...) pourrait il tenir le long d'une route nationale SUISSE avant que la maréchaussée ne vienne mettre un terme musclé au négoce? 27 minutes? 33? Moins?
Désolée pour cet a parté du à l'extrêmisation de mon sens logique, je vous le dis: ce film est un chef d'oeuvre. Souhaitons lui de ne pas être trop vite balayé par un tsunami de nanards.... bien français ceux là. A voir, à voir, à voir.