Bon on va éloigner tout de suite les petits joueurs, ce film c'est un mec qui se balance pendant 10 minutes sur une balançoire, après il cause avec un cerisier en fond et juste avant on filme un trajet en voiture sans dialogue pendant 5 min.
Alors, maintenant on va pouvoir parler sérieusement, c'est sans doute l'un des seuls films qui m'a donné un frisson permanent et la peur de bouger devant le film, comme si mon mouvement allait briser ce qui se passe à l'écran. Je ne vais pas expliquer ce qui se passe ou autre, mais cette façon d'aborder le documentaire sans jamais renier le genre de cinéma qu'il fait d'habitude, Grandrieux frappe ici très fort.
On assiste réellement à de la poésie, c'est juste ça, de la poésie, une voix off magnifique, ces images tremblotantes, où le point n'est pas toujours fait, ce sentiment indescriptible de planer, c'est tout simplement troublant.
On pourra ne pas aimer, mais on ne pourra pas renier au film un réel parti pris esthétique et Dieu sait que je peux aimer ce genre de films, c'est le genre de films que j'aimerai faire, quelque chose fait avec trois fois rien et qui pourtant est d'une beauté sans aucune limite… Et qui a des choses à dire. Le film fait même mieux, il laisse Masao Adachi parler de son art, de ce qu'il a envie de faire, sans montage, sans coupure, un plan, pas fixe, la caméra est au poing, filmant Adachi assis dans une sorte de bar, parler, dire. C'est beau de voir un artiste s'exprimer.
Le film n'est pas didactique pour un sous et pourtant moi qui ne connaissait pas ce réalisateur, je n'ai qu'une envie, voir ses films. On en apprend petit à petit un peu plus sur lui, sur ce qu'il fait, sans nous l'asséner de force. Tout est subtil, suggéré, comme ça, sans vraiment y penser. Sublime.
L'entendre raconter une anecdote sur Wakamatsu qui est un réalisateur récemment disparu et que j'aime bien, c'est juste émouvant. Lorsque Adachi dit qu'il hurlait dans la montagne "je suis un grand réalisateur", parce qu'il n'a pas envie de couper du bois, c'est vrai, beau, authentique.
C'est un film qui laissera sur le carreau bon nombre de cinéphiles, tant mieux, ça lui permet cette radicalité, ce refus de plaire à tous. Le film possède de belles phrases, celle où Adachi explique qu'un film doit être fait avec les sentiments et qu'il ne faut pas se laisser prendre par nos idées, c'est juste sublime (la phrase du film est bien mieux tournée). Et ce titre, qui vient d'un des films d'Adachi si j'ai bien compris : Il se peut que la beauté ait renforcé nos résolutions. Que c'est beau.
En somme Grandrieux livre un pur film, expérimental, tout ce que l'on veut, mais il reste un documentaire qui va malgré tout informer et avec des informations capitales ! Il va donner envie de voir les films de ce Adachi et ça c'est juste le plus beau cadeau, donner à quelqu'un l'envie de s'intéresser à quelqu'un.
Grandiose et extrême.