Je n'ai aucun intéret pour la réalisatrice Catherine Corsini. J'ai dû voir un ou deux de ses films précédents, que j'avais trouvés très antipathiques. Par contre, le pitch de Trois Mondes m'a semblé intéressant. Un type bourré qui provoque un accident; la fille à sa fenêtre qui a tout vu; la femme de la victime. Trois personnes qui n'avaient pas plus de raison de se rencontrer qu'un parapluie et une table de dissection. C'est très Altman, ce pitch, non?
Al (Raphaël Personnaz) termine sur un parking une sinistre soirée de biture, au milieu d'une bande de pathétiques demeurés. Il va se marier, avec, de plus, la fille de son patron, un très très gros concessionnaire automobile, une vraie crapule par ailleurs (Jean-Pierre Malo). Et il est désormais co-responsable avec beau-papa (les actes doivent être signés le lendemain). Quelle ascension sociale pour le fils d'une femme de ménage! De plus, sa nana (Adèle Haenel) est jolie. Ce n'est pas un boudin qu'il a échangé contre le sac. Que de bonheur en vue... Mais voilà, en rentrant bourré de sa virée nocturne, il renverse violemment un passant, le laisse sans connaissance; il sort de la voiture; puis, sous la pression de ses copains, prend la fuite. On le hait (on aime bien une petite murge de temps en temps, mais après on ne conduit pas)
Juliette (Clotilde Hesme) était à sa fenêtre. Etudiante en médecine, enceinte mais pas très sûre d'avoir envie de vivre avec son fiancé, elle suinte l'emmerdeuse lili-bobo par tous les pores. C'est elle qui se précipite pour tenter d'aider le blessé, qui appelle le Samu. C'est elle qui ensuite va faire son possible pour retrouver son épouse, une sans papier venue de l'Est, Véra (Arta Dobroshi). Véra, pleine de reconnaissance, mais aussi pleine de rage contre ce que la vie lui réserve, est le seul personnage attachant du film; le seul qu'on ait envie de suivre. Juliette fait partie de ces bonnes âmes qui, sous couvert de rendre service, s'infiltrent dans la vie des gens. Comme le hasard fait bien les choses! En rendant visite au mourant (au mieux, il finira tétraplégique), elle croise Al, bourrelé de remords, venant aux nouvelles (comme c'est logique...). Elle le suit, découvre son identité, et, au lieu de la transmettre à la police (une lili-bobo, ça cause pas aux flics. Ça fait pas de délation! La délation, c'est bon pour les gens de droite! Et puis, il est joli garçon, le p'tit jeune homme, il a même pas fait exprès!), prend contact avec lui, pour qu'il donne de l'argent à Véra. A partir de là, le scénario, d'une bêtise anthologique, part dans tous les sens, rebondit mou sur tous les murs, on se dit: elle ne va pas oser les faire coucher ensemble, quand même! Et ben siiiiiii! En paraphrasant Audiard, les mauvais réalisateurs ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît.
Le pauvre Al est dans la merde, il vend des Mercédès au noir, pique du fric à patron-papa, un de ses copains de beuverie le fait chanter (Reda Kateb qu'a une tête de crapule, qu'à côté Lee Marvin a l'air d'un enfant de coeur), le clan des moldo-valaques se déchaine quand ils comprennent que Juliette connaît l'identité de l'assassin, soit une choucroute cinématographique d'ou émergent quelques temps forts: quand Véra a rendez vous, pour le dons d'organes, avec l'équipe médicale, et qu'elle explose: combien d'argent on lui donne? Rien? mais chez elle, un rein, ça vaut tant! Un coeur, ça vaut tant! Un oeil, ça vaut tant! La France n'a pas su protéger son mari, et en plus on veut en prendre des morceaux! c'est une scène impressionnante, pleine de vérité.
On imagine le même point de départ, les mêmes personnages, les mêmes acteurs pourquoi pas, ils ne sont pas si mauvais que cela, confiés à un véritable réalisateur, un Eastwood par exemple, ce qu'on aurait pu en tirer.... hélas, rêvons pas. On est en France.