Pour sa première fiction, Sandrine Bonnaire a fait appel à son ex-mari, le très talentueux William Hurt. De quoi accentuer la touche personnelle de la réalisatrice puisque l’histoire de J’enrage de son absence s’inspire d’un épisode de sa vie. Le thème de la mort est ici étroitement lié à celui de la famille et impose une certaine tension dès l’annonce du titre à l’écran. Le personnage de William Hurt apparait, dans une voiture : il jette un regard empli de mélancolie sur ce qui semble être une vieille connaissance. Il s’agit de Mado – interprétée par une Alexandra Lamy bouleversante dans un registre qui lui va comme un gant –, ex-femme de l’homme en question. Ensemble, ils ont vécu la naissance d’un enfant et, quatre ans plus tard, son décès. Bien qu’elle y pense toujours, Mado est parvenue à se reconstruire contrairement à Jacques qui, lui, vit une existence monotone pleine de regrets. Elle a un enfant, lui va tenter de se rapprocher de ce dernier… S’il y a bien quelque chose que l’on peut décerner à ce J’enrage de son absence, il s’agit indéniablement de sa sincérité. Bonnaire y met sa rage, ses tripes, ses angoisses pour donner naissance à cette œuvre assez tourmentée et pleine d’émotion. C’est notamment que ce qui donne au long-métrage toute sa puissance, particulièrement lors d’une scène finale bluffante qui nous fait mal au cœur et nous noue l’estomac pendant quelques minutes pleines d’une violence méchamment accentuée par une musique tonitruante et un cadrage vif et brusque à la fois. Par ailleurs, on remarquera que chaque choix de mise en scène effectué par Sandrine Bonnaire entraine souvent un certain effet sur le spectateur. Malgré tout, le long-métrage possède les défauts d’un premier film – d’une première fiction, en l’occurrence – et l’un d’entre eux porte sur la fluidité. J’enrage de son absence aurait pu nous scotcher à notre siège comme il se doit mais ce n’est pas le cas, à cause d’un manque de rythme certain qui tend à rendre le film assez inégal. Il y a quelques longueurs et cela empêche par conséquent l’adéquation totale et véritable du spectateur aux émotions qui se dégagent. Toutefois, ces mauvais aspects demeurent assez moindres à l’échelle de tout ce film aux qualités plus présentes. Il y a tout d’abord cette utilisation on ne peut plus justifiée d’une musique intégrée de bout en bout au récit. De superbes morceaux de Classique qui apportent au film diverses atmosphères plus ou moins paisibles, plus ou moins agressives… Aussi, l’un des points culminants du film réside dans les acteurs. À l’intérieur des acteurs. Ils donnent tout ce qu’ils ont dans le ventre et cela se perçoit à l’écran. William Hurt est cet homme, initialement assez malsain, auquel on s’attache très rapidement par compassion et compréhension. On le voit hors de ces rôles – tout aussi bluffants si ce n’est plus encore – de grosses figures de cruauté à la History of Violence. On le voit dans le drame, dans le mélodrame – car la tonalité tragique du film repose entièrement sur ses épaules et on ne s’en plaint pas à la vue du résultat. Alexandra Lamy, que l’on n’a vu que trop souvent dans des comédies à deux euros, continue sa plongée dans un nouveau registre – furtivement entamé avec un sketch des Infidèles en début d’année. Elle y brille plus qu’elle n’y pleure, c’est dire… Enfin, une part non-négligeable du mérite revient au petit garçon de J’enrage de son absence : Jalil Mehenni. La naissance d’une carrière grâce à une prestation pleine de justesse et d’innocence… En conclusion, J’enrage de son absence est le passage réussi de Sandrine Bonnaire à la fiction. Malgré les indéniables défauts que l’on peut reprocher au long-métrage, il y a quelque chose qui y vibre… L’amour, la mélancolie. Bref, l’émotion. J’enrage de son absence est un moment d’émotion.