L'histoire de "Sous la Ville", c'est la survie d'un groupe de juifs cachés dans les égouts par un employé de la municipalité de Lvov pendant 14 mois, de la liquidation du ghetto jusqu'à la libération de la ville par l'Armée Rouge. Une histoire vraie ayant sans doute été pas mal triturée pour les besoins de la dramatisation (comme si c'était nécessaire...) et pour tenir sur une durée acceptable (2h25, quand même...). Un film ayant pour principal mérite de combattre les idées reçues. D'une part, en choisissant comme personnage principal le Juste Leopold Socha, Agnieszka Holland nous montre que, malgré le poids énorme de l'antisémitisme dans son pays à cette époque (même si dans d'autres pays ou à d'autres époques, bon...), tous les Polonais ne se sont pas comportés comme des fumiers se réjouissant -voire participant- des malheurs d'une population haïe et, d'autre part, en dédiant son film à Marek Edelman, figure emblématique de la résistance juive et de l'insurrection du ghetto de Varsovie, elle nous montre que tous les juifs ne se sont pas comportés comme de dociles agneaux en partance pour l'abattoir. L'autre grand mérite du film, c'est d'éviter le manichéisme (ici, à part le grand méchant con de supplétif ukrainien de la SS, aucun personnage n'est complètement bon ni complètement mauvais), le lyrisme ou l'angélisme déplacé qui sont souvent l'apanage des productions hollywoodiennes traitant de la Shoah, même quand celles-ci sont de qualité ("La Liste de Schindler", "Le Pianiste"). Sauf peut-être en ce qui concerne son héros... On ressent vraiment de l'empathie pour Socha (excellente interprétation de Robert Wieckiewicz), mais on a l'impression qu'on nous force un peu la main. En effet, si, de prime abord, ce Schindler prolo n'a pas grand chose pour lui (égoutier de profession, monte-en-l'air de vocation, profiteur de guerre et éponge à préjugés et propagande antisémites), il va, au fil des évènements et de ses contacts avec les malheureux cachés dans ses égouts, gagner en humanité puis atteindre carrément la sainteté (symbolisme un peu lourdingue : c'est au fond des ténèbres qu'il a trouvé la lumière...). Du côté des réfugiés juifs, par contre, pas grand chose nous est épargné : promiscuité, souillure, dégradation des corps, dégradation des esprits... même sous terre, à l'abri (relatif) des Einzatsgruppen ou des camps de la mort, la machine de destruction et de déshumanisation remplit toujours son œuvre. Et puis, paradoxalement, il y a aussi parfois de vrais moments de bonheur : un spectacle d'enfants, une cérémonie religieuse... la vie, quoi ! Tout ceci est brillamment mis en lumière (si j'ose dire, l'action se passant la moitié du temps dans l'obscurité souterraine des égouts) par une photo superbe et des mouvements de caméra très maîtrisés. Non, vraiment, le seul bémol du film, c'est le traitement parfois "à l'américaine" de son héros. Pour le reste, "Sous la Ville" est une œuvre puissante, à voir et à revoir. Même si on a peur dans le noir.