Triste coïncidence que d'aller voir Zulu le jour où Nelson Mandela décède. Mandela, ce grand homme, un sage avant tout courageux pour le combat qu'il mené et pour avoir survécu aux 27 années de prison à Robben Island. Mandela, l'incarnation de la période post-apartheid, d'un pays, qui, grâce à lui, est en voie de reconstruction... oui sauf que l'image que nous Caryl Férey de ce pays n'est pas du tout la même. Car avant d'être un film, Zulu est bien sur un livre, que dis-je un best seller, un GRAND livre. Une claque dans la tronche comme j'en ai eu encore peu à ce jour, un p*tain de bouquin superbement écrit (les dialogues sont génialement incisifs) , qui raconte bien plus qu'une simple (enfin complexe plutôt) histoire policière puisqu'il est avant tout question de faire l'état des lieux d'un pays en proies à la violence et à la drogue. Dotés de personnages forts, au départ caricaturaux (mais tellement bien approfondis qu'on en oublie qu'ils sont un peu clichés), le livre raconte l'histoire de deux flics, un blanc et un noir, amis mais diamétralement opposés (qui a parlé d'un énième buddy-movie en livre ?) qui vont devoir résoudre une affaire de meurtre, celui d'une jeune richouse, fille d'un rygbyman raciste, en mal de sensations fortes. C'est donc avec ce même postulat de départ que débute le film mais qui va vite se détacher de l'oeuvre de base malheureusement et pour de mauvaises raisons. Car oui, Jerôme Salle et son co-scénariste Julien Rappeneau ont quelque peu foiré leur adaptation en voulant faire un énorme condensé de tout ce que le livre avait à dire, faire un long-métrage d'une heure cinquante basé sur un roman aussi dense paraissait impossible, et c'est en-effet impossible, c'est pour cela que beaucoup d'éléments ont été jarter du film, beaucoup trop d'éléments importants, l'histoire est ainsi résumé au maximum, des personnages sont carrément zappés et d'autres ne sont pas assez exploités à l'instar de Dan Fletcher (Conrad Kemp), équipier de Brian Epkeen (Orlando Bloom) et Ali Neuman (Forest Whitaker) qui dans le livre avait quand même le droit à des passages qui lui était entièrement consacré et qui renforçait l'impression Hitchcockienne (dans Psychose) lors de la fameuse scène de la plage,
comment s'attendre à voir la mort d'un personnage avec une place si importante après 150 pages (20 minutes pour le film) ?
D'ailleurs parlons-en de cette séquence, une scène extrêmement violente au départ puisqu'on assiste à de l'amputation, des headshots et à un barbecue (et vu ce qu'il y a dessus, seul Hannibal Lecter pourrait être intéresser pour le bouffer), là, Salle résume cette scène extrêmement intense en 2 minutes à peine, alors oui, y a toujours la violence mais l'intensité y est beaucoup moins forte car ne montant pas crescendo et ne s'étendant pas sur une longue durée. Et c'est comme ça pendant tout le film, 30 minutes de plus n'auraient vraiment pas de trop d'autant plus que ce Zulu ne souffre d'aucune longueurs. Cela aurait ainsi permit de mieux retranscrire la m*rde dans laquelle se trouve Le Cap (l'Afrique du Sud en général), d'avoir un meilleur traitement des personnages (qui ici deviennent vraiment caricaturaux faute de scènes les dévoilant dans leurs intimités) et d'une plus forte intensité lors des scènes d'actions.
Mais alors pourquoi avoir mis 4/5 à ce film me direz-vous ? Alors non, je ne suis pas bourré, ni drogué, c'est juste que j'adore cette histoire, c'est tout, le film a beau être assez mal adapté, il n'en reste pas moins qu'il conserve les mêmes personnages avec les mêmes caractères et la même histoire (quasiment), on conserve le cadre spatio-temporel (à quelques années près, le film se déroulant en 2013 et le livre aux environs de 2008, sa date de parution). Quel plaisir de pouvoir mettre des visages sur ces protagonistes, qu'y a-t'il de plus à ajouter lorsque ces deux visages sont ceux du grand Forest Whitaker et de l'excellent Orlando Bloom, devenu accro au rhum depuis Pirates des Caraîbes, l'un incarne une victime direct de l'apartheid qui a choisi de pardonner et l'autre, un anti-héros accro à toutes les addictions possibles. Et puis, j'ai beau craché sur la tronche de Jérôme Salle depuis tout à l'heure, force est de constater que c'est finalement un bon réalisateur (dont les inspirations "grand spectacle américain" sont évidentes) à la mise en scène académique lors des scènes dialogués mais qui se révèle assez agressive dans les séquences d'actions, faisant preuve d'une rage comme celle que peut avoir Neil Blomkamp (originaire de l'Afrique du Sud) dans District 9 ou plus récemment l'excellent Elysium. La surprise vient aussi du côté d'Alexandre Desplat (compositeur français de Zero Dark Thirty, De Rouille et d'os et du vachement attendu Godzilla de Gareth Edwards), il signe une composition discrète mais qui sait se montrer puissante quand il faut faisant ainsi penser à Marco Beltrami (avis personnel), l'ajout d'instruments africains n'auraient cependant pas été de trop.
Zulu est donc un très bon film, bourrée de défauts liés à des choix d'adaptation parfois discutables, mais avec lequel j'ai une affinité toute particulière grâce à un matériel de base excellentissime. Pour ceux n'ayant pas lu le livre (SACCRRRRILEGE !!!), le film peut sembler trop facile et caricatural mais le divertissement est assuré grâce à la puissance de la mise en scène et au jeu d'acteur sans faille (et très travaillé notamment sur les accents).