Les chemins qui mènent à la réalisation d’un premier long métrage qui arrive à trouver sa place au Festival de Cannes sont parfois tortueux. Prenez Erwan Le Duc, 42 ans : des études à Sciences Po et un DESS de management culturel qui le conduisent en 2003 à un poste de chargé de mission au Ministère des Affaires étrangères puis, en 2005, à un autre au Ministère de la Culture. En 2009, première bifurcation : Erwan Le Duc devient chef du service Sport au journal le Monde. En 2011, deuxième bifurcation : il réalise un premier court-métrage, "Le commissaire Perdrix ne fait pas le voyage pour rien". Et voilà, en 2019," Perdrix", son premier long métrage, qui fait partie de la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs ! On y rencontre le capitaine de gendarmerie Pierre Perdrix, qui a choisi ce métier par amour des procédures, son frère Julien, Juju pour les intimes, spécialiste des vers de terre, sa nièce Marion, qui souhaiterait aller dans une section sport-étude de tennis de table, quitte à continuer ses études dans une école religieuse, sa mère Thérèse, qui anime depuis son garage une émission radio de courrier du cœur, Juliette Webb, une jeune femme qui passait par là, prête à reprendre à son compte la phrase de Jacques Lacan : « L’amour c’est offrir quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » et, par ailleurs, désespérée de s’être fait voler par une nudiste sa voiture et, plus encore, son journal intime. Oui, car il y a aussi dans les alentours un groupe de nudistes révolutionnaires dont le but est d’éliminer autour d’eux tout ce qui est bien matériel inutile. Sans oublier la préparation d’une reconstitution de la libération du village par de faux FFI et de faux allemands.
Une comédie à la fois très drôle, intelligente et beaucoup plus profonde qu’il n’y parait, c’est rare. "Perdrix" fait partie de ces exceptions. On ira même jusqu’à affirmer que, dans cette catégorie de films, on n’a pas fait mieux dans notre pays depuis pas mal de temps. Quant à l'interprétation, elle est exceptionnelle. Comment se fait-il que cette extraordinaire comédienne qu'est Maud Wyler, qui interprète ici le rôle de Juliette, soit le plus souvent cantonnée à des seconds rôles alors qu’elle prouve dans "Perdrix" toute l’étendue d’un talent exceptionnellement protéiforme ? Le fait que ce film sorte en plein milieu du mois d’août va-t-il nuire à son succès ? Espérons que ce ne soit pas le cas !