éhéran, 1979. La tension est à son comble entre l'Iran de Khomeiny et les Etats-Unis qui ont accordé l'asile au Shah quelques mois auparavant après la révolution. L'ambassade américaine est prise d'assaut, son personnel détenu et commence la "crise des otages américains". Mais 6 personnes ont réussi à s'échapper et ont trouvé refuge dans la maison de l'ambassadeur canadien. La CIA met en place une mission de sauvetage pour sortir les six ressortissants d'une capitale verrouillée et férocement hostile aux américains. Et la "meilleure mauvaise idée" retenue est de se faire passer pour une équipe de tournage d'un film de science fiction en repérage.
Avec le label "histoire vraie", on peut s'attendre à tout, surtout aux mauvaises surprises. Argo en est définitivement une bonne, vu le talent avec lequel Ben Affleck évite tous les chausse-trapes du genre, pour livrer un thriller d'espionnage d'une efficacité impressionnante. Car c'est bien un divertissement qu'il s'agit et certainement pas un film politique. Si le réalisateur a le mérite de replacer proprement le contexte historique, c'est uniquement au service de son histoire extraordinaire, certainement pas pour faire du prosélytisme 30 ans après.
Un pur thriller d'espionnage donc, qui aurait pu être écrit par Ken Follett, avec rebondissements, suspens, crises de nerfs à la CIA et à la Maison Blanche, et ce danger d'être pris qui rode en permanence, du grand souk central aux contrôle des papiers à l'aéroport. Mais ce thriller est de haute volée, et permet à Ben Affleck que l'on attendait vraiment pas là de poser ses pas dans ceux des plus grands entertainers hollywoodiens.
Car il n'y pas que l'extraction depuis un monde hostile et dangereux, il y a aussi cette façon de replacer le divertissement ringard hollywoodien au cœur de son film, d'arpenter les arcannes du pouvoir, de chercher à convaincre tout le monde. Ce n'est pas un hasard si Ben Affleck est très convaincant dans le rôle principal : il est aussi le metteur en scène de cette extraction, celui qui rassemble tout le monde, et peut-être le seul à y croire. Car tout cela a l'air bien ridicule vu de loin...En filant sur sa bonne idée, le clash entre le ridicule et le drame a lieu quand il prend contact avec les "invités". Jusqu'ici, on souriait, tout d'un coup, on ne sourit plus. Les six personnes sont effarées, la réalité rejoint la fiction, et elle est dure à encaisser. Ils ont peur de mourir et on leur demande d'apprendre par cœur un script de science-fiction.
Affleck ne rate pas ça, il le met en valeur. Il le suit, le porte à bout de bras, sans héroïsme idiot, avec la conviction d'un vrai metteur en scène. Jusqu'à un suspens insoutenable à l'aéroport de Téhéran qui vous fera vous accrocher à votre siège. La meilleure preuve de la réussite du film : parvenir nous embarquer dans une histoire vieille de 30 ans à l'autre bout du monde, avec un dénouement pourtant prévisible.
La synthèse d'un savoir faire hollywoodien à son zénith quand il s'agit de divertir de manière intelligente : des dialogues acérés, une direction artistique au top, et probablement le plus beau casting de l'année. Bryan Cranston, enfin à sa juste valeur au cinéma. John Goodman et Alan Arkin, impayables en vieilles crapules californiennes. Une liste de seconds rôles avec de grands acteurs longue comme le bras (Kyle Chandler, Chris Messina, Philip Baker Hall, ...) Et puis Ben Affleck lui même, barbu, lunaire, mélancolique...
On devrait les retrouver, lui et son film, aux prochains oscars.
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