Film évènement surprise de cette fin d’année et grand favori aux prochains Oscars, "Argo" installe définitivement Ben Affleck comme l’un des grands réalisateurs du moment. Et pourtant, malgré les indéniables qualités du film, je trouve qu’il s’agit, à ce jour, de sa moins bonne réalisation. En effet, je n’ai retrouvé ni l’émotion de "Gone Baby Gone", ni la densité de "The Town" dans cette histoire d’exfiltration incroyable mais vraie. C’est d’ailleurs le sujet qui, à mon sens, empêche "Argo" de briller autant que ses prédécesseurs. Difficile, en effet, avec un sujet aussi original (la fausse production d’un film de science-fiction, monté de toutes pièces pour permettre l’exfiltration de diplomates américains cachés en Iran à l’occasion de faux repérages), de garder son attention braquer sur les personnages qui s’avèrent assez peu surprenants (l’expert en exfiltration est un héros américain pur jus avec des problèmes de famille, le producteur et le spécialiste des maquillages hollywoodiens sont excentriques, les diplomatiques retenus prisonniers sont craintifs mais vont révéler leur courage…). Résultat : le casting a beau être sans fausse note, il ne fait briller personne, de Ben Affleck à John Goodman en passant par Alan Arkin et Bryan Cranston ou encore Tate Donovan ou Victor Garber. Autre point un peu gênant : le choix du réalisateur de s’inspirer, tant sur le plan du rythme que sur le plan de la photographie, des thrillers politiques des années 70 (tels que "Les Hommes du Président") pour lesquels je n’ai jamais eu une grande passion. Le parti-pris est intéressant (et justifié) mais il m’a, là encore, empêché de m’emballer complètement pour le film… à l’inverse des critiques qui y ont visiblement trouvé leur compte. Il faut dire qu’à défaut de faire briller ses personnages, Ben Affleck a su adopter le ton juste (ni trop pro-US, ni trop pro-Iran) dans sa description du conflit en Iran, en mettant en avant la responsabilité du gouvernement américain dans la colère du peuple iranien (ses liens avec le Shah d’Iran et les exactions de ce dernier sont décortiqués dès l’introduction du film et permettent d’avoir un regard nouveau) sans pour autant excuser les débordements des intégristes. La subtilité de ce traitement est d’ailleurs le point fort de cet "Argo", qui réservent également quelques moments amusants (la préparation d’une mission de cette nature se prêtait bien à ces moments plus légers). Je suis, par contre, plus partagé sur le final du film (à savoir l’exfiltration) qui voit, certes, un emballement du rythme mais, surtout, qui abandonne le ton réaliste qui était le sien jusqu’à lors pour collectionner les grosses ficelles scénaristiques des blockbusters américains avec son suspens factice (surtout quand on connaît la conclusion de la mission) et ses rebondissements un peu artificiels. La subtilité et le réalisme un peu plan-plan font alors place à l’action à l’américaine, ce qui permet de tenir le spectateur en haleine met qui crée une rupture qui m’a un peu surpris. "Argo" est, donc, incontestablement, un film réussi mais qui ne mérite pas, non plus, les incroyables louanges dont il fait l’objet.