Qu'est-ce que vaut réellement l'Oscar 2013 du meilleur film ? Est-il vraiment le long-métrage le plus réussi de l'année écoulée ? A fortiori, on sait bien que ce n'est, hélas, pas toujours le cas. "Shakespeare in love" en 1999, "Chicago" en 2003 ou encore "Collison" en 2006 nous l'ont récemment prouvé (et encore la liste est non-exhaustive). "ARGO", le dernier lauréat en date de cette si prisée statuette dorée, souligne à lui tout seul les limites de l'Académie décernant les récompenses, qui – et comme on l'avait déjà vu en 2012 avec "The Artist " - aime à s'autocongratuler. Nous y reviendrons un peu plus loin...
Bonne nouvelle déjà, "ARGO" prouve que Ben Affleck est très certainement meilleur réalisateur qu'acteur. Auteur du très bon "Gone Baby Gone" (mais aussi du moins réussi "The Town"), il signe ici son troisième passage derrière la caméra avec ce thriller nerveux et parfaitement ficelé, adapté d'une histoire vraie complètement incroyable. Même si canadiens et iraniens ont fait entendre leurs voix contre l'héroïque grandeur des USA dépeinte ici, arguant que cette histoire ne s'est pas tout à fait déroulée de cette façon...
Réalisateur donc, mais aussi acteur principal et co-producteur (avec George Clooney d'ailleurs), Ben Affleck offre une reconstitution très léchée et sans le moindre temps mort de ce rocambolesque épisode des Affaires Étrangères américaines. Le rythme est effréné, le montage multiplie les jump cuts, la caméra s'invite sans cesse au cœur de l'action, la mise en scène à couteaux tirés mêle images fictives et réelles images d'archives, le scénario est dense et habile... Tout est fait pour que l'on ne s'ennuie pas une seule seconde. La tension est aussi palpable pour le spectateur que pour ces otages-apprentis cinéastes embarqués dans un plan impensable dans le but de prendre, comme voulait le faire Brad Davis dans le film d'Alan Parker sorti la même année que le déroulement de ces événements, leur midnight express. De plus, une petite pointe d'humour satirique est présente avec cette mise en abîme d'un Hollywood collaborant main dans la main avec les services secrets pour mener à bien une périlleuse mission. C'est beau, c'est grand, c'est américain ! Le regard porté sur l'industrie du cinéma californienne par elle-même est un brin ironique et moqueur, même si au final "ARGO" est bizarrement une œuvre typiquement hollywoodienne. Il cracherait-y pas dans la soupe le Ben ?
En effet, nonobstant son efficacité incontestable et sa narration impeccable, "ARGO" souffre d'être un chouïa trop académique, et un poil trop patriotique (cf. son plan final avec la famille reconstituée devant la bannière Stars and Stripes flottant dans les airs, contrebalançant avec le plan d'ouverture de ce même drapeau brûlé par de vilains orientaux...). Pas besoin d'être extralucide pour savoir que si il a remporté l'Oscar du meilleur film (mais aussi ceux du meilleur montage et de la meilleure adaptation, mais là cela semble davantage plus mérité), c'est surtout parce que, dans ce récit, Hollywood se tape dans le dos tout seul, se gargarise lui-même. Comme il l'avait fait lors de la précédente session avec le film muet de Michel Hazanavicius, film qui saluait vivement l'age d'or du cinéma US : en récompensant "ARGO", Hollywood se récompense, regarde droit dans les yeux son magnifique reflet. Et l'on peut également reprocher à Ben Affleck d'être parfois trop superficiel dans son traitement. Oui, le beau-gosse préfère se focaliser sur l'action au détriment des faits politico-historiques de cette période de Guerre Froide où le Monde était scindé en deux, cette ère de conflits internationaux où les médias commençaient à prendre une part prépondérante qui n'a cessé de croître depuis (mais ça il réussit plutôt bien à l'illustrer en nous saturant d'informations venant des différentes radios, journaux et télés). Autre point où l'agent Affleck failli un peu à sa mission : les personnages, trop survolés, jamais assez creusés pour que l'on s'y attache vraiment, en dépit de seconds rôles absolument géniaux (l'inénarrable John Goodman, l'excellent Bryan Cranston que les fans de "Breaking Bad" seront heureux de retrouver, ou encore un Alan Arkin, désormais mythique grand-père de "Little Miss Sunshine", tout à fait savoureux).
Reste tout de même un divertissement de bonne facture, plutôt malin et bien orchestré, mais de là à dire qu'il s'agit du film de l'année...
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