Film après film, l'acteur Ben Affleck prouve qu'il est bien meilleur derrière la caméra. Avec Argo, s’il ne signe pas encore son chef d’œuvre, il marque une nouvelle évolution significative dans son cinéma empreint autant de la brutalité du nouvel Hollywood que de la précision documentaire des grands cinéastes politiques, le tout agrémenté d’un post-modernisme jamais cynique. Écrit avec l’intelligence des plus grands thrillers, transformant ses quelques deux heurs en un modèle de cohésion narrative et de fluidité, Argo est, au même titre que La Taupe, l’exemple à suivre pour représenter les années 70 au cinéma sans qu’elles ne paraissent artificielles, autant par la direction artistique que la mise en scène. Argo aurait très bien pu faire partie de la grande vague des films politiques des 70′s, autant par son sujet brûlant que par son traitement tout en maîtrise. Le film est en effet une vraie réussite en terme de narration et de découpage, en particulier au dernier acte, procurant une sensation d’étouffement tant la mécanique du suspense mise en place ne laisse aucune chance au spectateur. Un véritable tour de force qui conclut à la perfection ce que l'on a vu, c'est-à-dire un film qui évolue à la rencontre des genres sans jamais paraître incohérent, mais qui se construit justement une identité à travers sa multiplicité de tons. Autre point très fort, est l'idée qu'à eu Affleck à rester dans univers contemporain tout en servant une atmosphère très 70', les manifestations anti-américains de la révolution iranienne trouvent un écho actuel dans le même type de manifestations ayant eu lieu à travers le monde arabe ces dernières années, avec pour cible l’éternel interventionnisme américain qui n’a pas changé d’un iota en 40 ans. C’est ce qui fait d’Argo un thriller très moderne, derrière son vernis 70′s, en particulier grâce à une écriture très fine et intelligente. Et c'est dans cette justesse que Ben Affleck rend le film incroyable. La narration y est claire et riche, jonglant habilement entre les différents lieux et communautés, atteignant même une certaine forme de virtuosité, presque insolente, dans le montage lors d’une séquence de lecture. Malheureusement, comme toujours, la paresse de son jeu vient faire tâche sur un film qui aurait pu frôler la perfection. Avec Argo, il nous prouve qu'il a un talent certain et deviendra très certainement un grand dans les années à venir, mais uniquement derrière la caméra .La reproduction des années 70, au niveau de la direction artistique, est remarquable, mais elle est surtout sublimée par une réappropriation des codes de réalisation. Ainsi, Argo est un petit bijou de confection, mais également un beau morceau de mise en scène. Réaliste, très juste et surtout très haletant.