LES FRONTIÈRES A NE PAS DÉPASSER : Avec un faux-rythme lent/contemplatif de cette nuit parisienne tout à fait captivante, une réalisation implacable, froide et sans déchets et un duo d'acteurs qui fonctionne à la perfection ( mention spéciale à Roschdy Zem qui dans son costard noir et son rôle de commissaire de la mondaine et tout à fait convainquant ; c'est qu'il a la gueule de l'emploi faut dire ), « Une nuit » s'impose bien plus comme étant un film noir dramatique qu'un thriller ou un polar. Tout d'abord, il est à noter qu'il n'y a pas une seule véritable scène d'action, pas un seul coup de feu tiré ( un peut-être mais il est uniquement suggéré, rien de visuel ou d'auditif ), quelques bastons de rue sans importance : en somme l'action se concentre ailleurs, dans la tension latente qui imbibe l'espace et les relations entres les protagonistes. La violence, quant à elle, s'installe dans ce couple d'une absence-présence assez paradoxal ; elle n'est pas montrée, les amateurs de sang ou autres meurtres cruels n'y trouveront pas leur compte, les courses poursuites ne sont pas au rendez-vous et les gros méchants gangsters sont du côté de l'invisible de cette nuit, dans les boites, les cabarets, autour d'une table à diner, froidement. Et pourtant, dans chaque geste se ressent comme le joug atroce d'une main prête à tomber, à frapper, à tuer, jusque dans les regards qui, plein d'une méchanceté et d'une envie cynique, se révèlent d'une barbarie insoupçonnée et insoupçonnable. Là est le gros point positif de ce film : une ultra-violence sans violence tant tout est tacitement entendue, il n'y à rien à révéler car la révélation est ici un défaut de goût et c'est bien dans les pérégrinations nocturnes de ces deux flics, leur rapport conflictuel avec les truands et les investisseurs, leur manipulation de l'autre ou leur propre perte lorsqu'ils se retrouvent l'objet-jouet du jeu qu'il faut voir la véritable rudesse de l'œuvre et du milieu exploré. C'est d'ailleurs ce que dit mot pour mot le commissaire Simon : « Ce n'est pas moi qui suis dangereux, c'est mon métier qui l'est. », grande vérité ou subtile manière de se détourner de ses responsabilités, libre à vous de juger de cet aphorisme... Les faits eux parlent ; le commissaire écume les rues, les ruelles d'un Paris illuminée par sa fascinante obscurité et nous entraine avec lui dans ses rencontres, ses discussions, ses pourparlers, par toujours nets, pas toujours légaux mais qu'il a l'impression d'effectuer dans un but de justice ; terme au combien relatif à celui qui la pratique et à sa vision toujours personnelle des choses. Néanmoins, il est impossible de parler de corruption ou de flic-pourri car ce n'est jamais le cas, c'est juste une autre facette de métier qui est exploré, plus sombre, plus dure, plus proche de la limite entre le bon flic et le mauvais flic peut-être mais en aucun cas dans le gouffre de celui qui se perd lui-même. Simon a ses convictions et a pleinement conscience de l'odeur nauséabonde dans laquelle il navigue chaque nuit, dans laquelle il s'embourbe un petit peu plus jusqu'à n'en plus pouvoir sortir, pris qu'il est dans un engrenage inévitablement fatal. En ce sens-là, la chute, si elle n'est pas pleinement aboutie, convaincante ou cohérente, est en tous cas pleinement jouissive et surprenante... Finalement, « Une nuit » se détache avec brio du simple genre du polar et de l'intrigue policière banale ( rôle qu'il faut laisser à un film comme « A bout portant » par exemple ) pour se porter ailleurs, vers une épopée nocturne calme en apparence mais dont les milliers de fils s'entre-chassent et se compliquent d'eux-mêmes chaque fois un petit peu plus. A noter également, c'est du moins ce qui m'est apparu, une grande sensibilité dans les dialogues, dans la manière d'explorer les personnages et évidemment dans la ville lumière, qui plongée dans cette pénombre, n'en retire qu'un charme encore plus immense qu'il ne peut l'être à l'accoutumé. En somme, malgré quelques longueurs ennuyeuses, ce long métrage est une réussite absolue qui mérite d'être vu et qu'il faut donc aller voir.