Des paysages surréalistes, une bande son du tonnerre (sans aucun jeu de mot bien entendu), un choc artistique et scénaristique ? Voilà peut-être ce à quoi vous vous attendez, en bon cinéphile que vous êtes. Et honnêtement, vous avez tout bon. En plein dans le mile quoi ! Mais pourtant, Take Shelter va bien plus loin. Parce que ce n’est pas seulement appâter le spectateur qu’a voulu Nichols, mais bel et bien creuser au plus profond ses personnages. Ce n’est ni un thriller, ni un drame banal. Il s’agit ni plus ni moins d’un film psychologique. Un film étudiant le caractère humain, son instinct de survie, ses craintes et ses doutes, son désarroi face à des situations ambiguës, sa peur de voir échouer des projets. Et en trame de fond, comme une sorte de fil rouge, on y retrouve un thème cher aux cinéastes : le petit grain de folie. Pourtant le long métrage ne se perd pas dans les clichés du film de schizo, ni ne fait référence à d’autres oeuvres sur le même thème. Jeff Nichols prend un chemin contournant, et évite de faire un film qui ressemble à mille autres. Le thème de la schizophrénie n’est pas un prétexte pour excuser l’absurdité d’idées extravagantes, comme déjà fait dans nombre d’autres films. D’ailleurs, point d’idées extravagantes dans ce Take Shelter. La folie, ou la soupçonne dès le début par l’instabilité du personnage. Ce n’est donc pas une révélation de vous le crier ainsi dans la présente critique. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment ça qui est intéressant et notable. Il s’agit plutôt de la manière de considérer de telles gens, de la réaction des personnes autour, de l’incompréhension des proches face à la maladie, la façon de gérer la crise. Tout le reste, schizophrénie, paranoïa et compagnie, est à reléguer au second plan. Il s’agit là justement d’une excuse pour parler de choses graves, ou du moins plus profondes qu’une simple expertise psychiatrique. De ce point de vue, Take Shelter vous sidère, vous emmène, vous emporte dans un lyrisme cauchemardesque, dans une poésie sinistre et finalement plutôt pessimiste. Take Shelter, c’est vous rendre vous aussi malade. Vous entraîner à la compassion, l’empathie, mais aussi vous transporter vers l’incertitude et la douleur de ne pas toujours tout comprendre. Défi réussi. Michael Shannon, meurtrit, possédé par la foudre et les cieux, est fascinant. Jessica Chastain, ravissante et soucieuse, séduit. Une belle mise en scène pour Jeff Nichols. Un bel exercice. Un beau cinéma.
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