Est il possible de parler des relations entre religions au proche et au moyen Orient autrement que sur le ton de la comédie? On dirait bien que non.
La belle Nadine Labaki s'est fait connaitre avec Caramel, espèce de "Vénus beauté institut" au Liban, et on était surpris de voir à quel point les femmes de ce pays là nous ressemblent, assumant leur vie, leurs amours et parfois leurs futilités malgré le poids de la guerre et celui d'une société plus contraignante que la nôtre. Labaki a t-elle les épaules pour porter un film aussi lourd que Et maintenant, on va où? Pas tout au fait, d'autant plus qu'en son milieu la comédie s'infléchit vers le drame en un virage extrêmement difficile à négocier, et que la réalisatrice négocie avec pas mal de maladresse.
C'est un village mixte, paumé -le pont qui la relie au monde a été détruit, ne reste qu'un chemin rocailleux que des jeunes utilisent en triporteur pour assurer le ravitaillement. Isolé de tout, il est aussi isolé des guerres, et les deux communautés s'entendent à merveille. Les femmes surtout, un club de bonnes copines à la langue bien pendue, voire grivoise; une installation branlante, en plein air, permet au village de regarder la télévision en commun. Et les actualites font état de violences inter confessionelles dans une région voisine. Les femmes ont peur que cela déteigne sur leurs bonshommes... Et effectivement, un incident met le feu aux poudres (la grande croix de bois vermoulue s'effondre dans l'église, en fait c'est une bêtise d'un garnement; puis chèvres et poules s'introduisent la nuit dans la mosquée...) Et voilà, c'est l'atmosphère de guerre civile. Comment les femmes vont elles [avec la complicité du prêtre et du cheikh] tenir leurs hommes, par quels stratagèmes (dont, entr'autres le recrutement de cinq strip-teaseuses ukrainiennes), jusqu'au coup de théatre final.... plus qu'inattendu, c'est ce que vous découvrirez dans le film. C'est la dernière minute qui vous donnera, également, la clé du titre..
Je l'ai dit, ce n'est pas complètement maîtrisé et Labaki (qui s'est réservé le rôle de la jolie fille du village, la patronne du bar dont l'amoureux, peintre en bâtiment, est hélas musulman...) a un peu de mal à marier la comédie, qui est le ton général du film, avec des évènements tragiques qui se produisent. Mais, c'est évidemment à voir parce que c'est original, parce que cela parle de choses fortes et importantes. Et que c'est très drôle, aussi! A voir, à voir, à voir.
Est ce que Labaki a raison de penser que ce sont les femmes qui sauveront le monde moyen-oriental de la guerre, parce que leur solidarité transcende les frontières religieuses et que, sur le plan religieux, elles sont bien moins inféodées que leurs hommes? Je n'en suis pas si sûre. C'est peut être vrai au Liban... Il me semble que dans le neuf-trois ou le neuf-deux-nord, où les filles s'affichent dans des tenues islamiques de plus en plus rigoureuses, c'est moins évident....