SPOILERS
Dans ce film d'animation, il n'y a absolument rien de nouveau au niveau des thèmes: il s'agit de sauver les légendes joyeuses connues, le Père Noël, le Lapin de Pâques, la Fée des dents (équivalent américain de notre Petite Souris [d'ailleurs, cette dernière apparait également brièvement dans le film]) et le Marchand de sable d'une terrible menace, légende obscure appelée le Croque-Mitaine qui menace de détruire les légendes en envahissant les enfants de cauchemars et désespoir pour les inciter à ne plus croire aux légendes joyeuses; personnellement je préfère son autre nom Pitch Black (et pas Noirceur dans une autre traduction car c'est cliché et parfaitement ridicule). Mais l'Homme de la Lune, qui choisit depuis des siècles les légendes ou gardiens qui doivent apporter de la joie aux enfants (et également les protéger), sent que les gardiens ne s'en sortiront pas seuls. Il décide donc que Jack Frost, légende turbulente contrôlant la glace, le vent et la neige qui passe son temps à faire des blagues (drôles ou mauvaises) et des bêtises, sera un gardien à son tour. Pour quelle raison l'a-t-il choisi? Pourquoi Jack Frost fait-il parti des légendes alors que personne ne le voit même s'il tente tout pour ça?
Dit comme ça, l'histoire semble très enfantine et on n'a pas envie de se laisser emporter. Mais ce qui démarque Les cinq légendes de d'autres films d'animation trop mièvres sur les films des fêtes qui insistent trop sur le fait qu'on doit absolument croire aux légendes souvent sans raison valable et au final ne saisissent pas leurs sujets, c'est que le film se concentre surtout sur son personnage principal, sa recherche de lui-même et son envie de reconnaissance. Derrière son côté délinquant et son envie permanente de s'amuser se cache un garçon au grand coeur qui a envie de répandre la joie autour de lui et qui a également du courage pour défendre ce en quoi il croit mais qui a du mal car se sent abandonné des autres ses pouvoirs de glace semblant symboliser sa tristesse. Le méchant également, Pitch Black, est un personnage intéressant car il n'est pas mauvais juste pour être mauvais mais parce qu'il répand le désespoir et la peur juste parce qu'il ne veut pas être oublié de tous. Et cela tout en utilisant qu'on aime chez un méchant d'animation, c'est-à-dire avec élégance, charme et cruauté tout en étant complexe. Une némesis parfaite pour notre héros car les deux ont peur d'être oubliés sauf que les deux utiliseront différentes méthodes pour arriver à leurs fins, l'un choisissant la joie, l'espoir et le rire, l'autre la peur, les ténèbres et le désespoir: des opposés parfaits qui s'affrontent mentalement et physiquement, ce qui amène des combats digne des films de super-héros et également un peu de manipulation psychologique.
Aucun autre rôle n'est laissé de côté, les légendes ou gardiens ne sont pas ce qu'on attends d'eux mais au contraire de grands enfants qui passent leur temps à se chamailler dès que la situation semble déstabilisante. Le Marchand de Sable, petit homme muet s'exprimant uniquement en rébus, est le seul à savoir garder son calme. Le Père Noël, bien que gros et ayant sa barbe blanche, ne porte guère la tunique rouge et blanche qu'on lui connait mais s'habille comme un russe du XIXème siècle et d'ailleurs a un accent russe, s'impose en leadeur du groupe fort et stratégique mais qui a toutefois du mal à garder son sang-froid et peut se révéler un peu bourru mais toutefois ayant un coeur d'or car aime répandre la joie aux enfants. Il sera également le sage qui mettra Jack Frost sur la voie pour lui faire comprendre pourquoi il agit comme un garçon turbulent tout en semblant aimer les enfants. Le Lapin de Pâques est ronchon et se comporte comme le dur de la bande, la Fée des dents ne peut s'empêcher d'ouvrir les bouches des autres pour admirer leurs dents et ressemble à un immense pivert avec des ailes de libélules et une tête humaine (en plus accompagnée de mini-versions d'elle car il lui faut bien des petites fées) et est souvent excitée comme une petite fille mais étant également un coeur tendre (c'est d'ailleurs la plus sensible de tous qui passe également du temps avec Jack Frost et lui fera une révélation essentielle).
Lorsqu'on voit les enfants qui ne croient plus aux légendes, on pense à nous-mêmes désillusionnés arrivés à un certain âge et on voit les légendes/gardiens le vivre tragiquement car ils menacent de s'éteindre. Ce qui nous rappelle, si on le regarde en tant que personne plus grande, qu'on doit toujours garder une âme d'enfant même si c'est avec distance et que même si on sait pertinemment qu'il n'y a aucun Père Noël russe au Pôle Nord où des yétis fabrique des jouets de Noël (non, ce ne sont pas des elfes mais des yétis, je vous assure), on ne doit pas oublier notre enfance et de certaines choses magiques qui nous ont bercé à cette période car c'est notre enfance qui nous forge en tant que personne: pas pour rien qu'on dit souvent qu'une personne qui a eu une enfance malheureuse ou pas d'enfance du tout ne peut pas s'en sortir dans la vie une fois adulte.
Ensuite, ce qui marche dans ce film, c'est l'humour qui en sort: Peter Ramsey a choisit de faire dans l'humour décalé. Les blagues venant du fait que les légendes/gardiens ne sont pas du tout assorti(e)s et se dispute sur le fait que le travail de l'autre est moins dur que le sien, que l'autre est un incompétent ou encore que Jack Frost n'est pas fait pour être un gardien...etc. Chacun des gardiens malgré leur profondeur ont droit à leurs moments humoristiques mais le Lapin de Pâques (qui semble être un cousin éloigné de Grincheux dans le caractère) est celui qui a le plus de scènes comiques, surtout quand Jack Frost lui en fait voir de toutes les couleurs à cause d'un différent que les deux ont longtemps. Il y a également des vannes mais elles ne sont ni lourdes, ni surfaites, du sarcasme, des gags bien amenés, notamment les maladresses des légendes/gardiens envers les enfants qui bien que faisant leurs boulots de gardiens en passant brièvement dans les maisons des enfants ne les approchent jamais de près donc leur font peur dès que dans le film, ils le doivent en situation d'urgence.
Ce film se démarque également par son aspect visuel et ses effets spéciaux, on sent l'influence de Guillermo Del Toro en tant que producteur partout que ce soit sur les paysages variés et sur l'apparence des personnages. Les couleurs et les décors, loin d'être kitchs, se regardent avec plaisir. D'ailleurs, les silhouettes des fées ressemblent beaucoup à celles qu'on retrouve dans le Labyrinthe de Pan la seule différence étant que ces êtres que la petite Ofélia voyait étaient fait uniquement de chair et d'ailes et non pas d'ailes et de plumes d'oiseaux. On voit aussi qu'un soin particulier a été apporté aux paysages hivernaux entièrement recouverts de neige et l'Antre de Picth, lieu cauchemardesque où règne des créatures obscures qui te plongent dans le noir complet et te torturent l'esprit le tout baignant dans un décor presque dépouillé où tu entends des voix que tu ne peux pas atteindre. Pictch Black est également une prouesse artistique à lui tout seul, fantomatique dans sa démarche et portant un costume noir mais également fort physiquement. Le fait de le faire déplacer sous forme de fumée est perçue comme une chose effrayante qui semble invulnérable, une chose à laquelle tu ne peux pas échapper. Un effet qui fonctionne tout comme une idée qui colle bien au personnage.
Après, si j'ai des reproches à faire aux films, c'est tout d'abord sa musique. Correcte mais par moments, il n'y a pas tellement d'efforts investis et j'ai senti qu'il y a une paresse d'écriture notamment lors des scènes d'action où la musique a été faite à la va-vite. Vraiment, j'ai eu l'impression d'entendre la musique des Avengers à certains moments. D'ailleurs, les scènes d'action, il y en a un peu trop parfois. Même si le film se concentre essentiellement sur le personnage de Jack Frost qui veut se faire une place dans un monde qui le rejette et pas sur les thèmes des fêtes en général ou sur un combat à la bourrin, parfois les scènes d'action du film sont un peu trop envahissante et ont tendance à détourner l'attention de son sujet (qui pour une fois est pourtant bien abordé). Oui, c'est marrant et inattendu de voir le Père Noël utiliser des sabres, le Lapin de Pâques se servir d'un boomerang, la Fée des dents donner des coups de poing, le Marchand de sable utiliser des lassos de sable ou encore Jack Frost faire des acrobaties avec son bâton de glace voire des vagues (bien plus jolies que les vagues ou les effets spéciaux pixélisés d'Elsa de La Reine des Neiges que je trouve exagérément SURESTIMé) mais quand c'est durant des scènes d'action qui sont décalés d'à peine quelques minutes les unes des autres par des petites scènes trop courtes qui sont pas utiles, ça devient lassant.
Ensuite, l'idée que les dents de lait sont magiques et contiennent les souvenirs les plus joyeux des enfants est complètement tarabiscotée. Toucher une dent et hop! un enfant se rappelle de ses souvenirs les plus heureux. Ce n'est pas cohérent car c'est une liberté trop grande par rapport au mythe de la Fée des dents. Elle aurait marché si elle avait été bien utilisée mais ça n'est pas le cas car l'un des souvenirs trouvé dans une dent de Jack Frost (sa mort dans sa vie d'Antan avant de devenir Jack Frost) n'est pas ce qu'on pourrait qualifier comme étant plein de joie.
Aussi, la confrontation finale est trop facile et trop niaise "Allez les enfants! Croyez aux mythes et battez-vous aux côtés de vos légendes préférées." Mais bon, un film d'animation américain reste un film d'animation américain. Il fallait bien qu'une morale simplette arrive à un moment ou à un autre dans une histoire sur les mythes de l'enfance. On peut pas trop lui en vouloir d'autant plus qu'on oublie ce défaut assez vite vu que la confrontation finale est quand même sympathique à regarder.
Pour finir, Pitch, qui semblait être le mal absolu, est vaincu bien trop facilement. Un type qui envahit les rêves et les transforment en cauchemars, menace de faire oublier les belles légendes et imposer sa tyrannie sur Terre et boum!, une phrase toute faite, une disparition bâclée et on n'en entend plus parler. Quel gâchis! Il y avait tellement à exploiter dans un film comme ça où de la magie pouvait être utilisée contre un tel bad guy.
Enfin, ce qui se démarque de ce film, même si l'intrigue peut faire penser à Avengers (une bande de héros de différentes histoires qui s'unissent pour lutter contre un ennemi commun), c'est sa profondeur mais surtout son personnage principal comme dit plus haut qui est très attachant. Il ne se concentre pas sur les fêtes mais sur la place de Jack Frost au sein du monde du fêtes. Pour les enfants, c'est un peu comme une métaphore de chacun de nous qui essaie de se faire une place dans un monde qui ne veut pas de nous à cause de nos différences ou tout simplement qui ne nous voit pas malgré tous les efforts que nous faisons pour montrer que nous existons. Même si certains ont vu un truc religieux dans l'Homme de la Lune (il choisit les gardiens), moi j'y ai plus vu la métaphore d'un père et d'une mère (Homme+Lune) qui regardent leur enfant de haut et tentent de l'aider à trouver une voie (c'est l'Homme de la Lune qui choisit Jack Frost comme gardien) pour se faire une place (puis ensuite, y a aussi les deux parents de substitution: le Père Noël et la Fée des dents). Voyez-le au moins une fois si vous ne l'avez pas fait, ça vaut le coup d'oeil.