Que Brian De Palma soit contraint de se contenter d’un remake laissait craindre une dégradation de sa légendaire prestance de cinéaste de renom. Heureusement, le plus anti-américain des réalisateurs américains retravaille suffisamment Crime d’amour d’Alain Corneau pour ne pas qu’en faire qu’une pâle copie à son nom. Passion, thriller sensuel s’il en est, permet de replonger dans la fantasme érotico meurtrier du cinéaste, son obsession pour les belles choses qui dépérissent, qui meurent, à l’image d’un certain Hitchcock. Oui, Passion est bel et bien un film qui tire sa substance du travail du maître du suspens, dans l’esthétisme, la musique et la perversité des personnages. Tourner en Europe aura également permis à De Palma de s’affranchir des postulats prudes américains, laissant libre court à une fantaisie semi érotique qui verra des actrices à succès dévoiler des facettes plus intimes de leurs personnalités.
Un thriller au féminin, en somme. Alors que les hommes sont laissés sur la touche ou définis comme des objets de désirs, de duperie et comme bouc-émissaire, le marché du travail, pourtant pas à l’avantage de la gente féminine, prend la place du centre de l’univers. La réussite professionnelle est tellement ancrée dans la culture des personnages que leur travail tue dans l’œuf toute vie annexe, décidant même des préférences sexuelles, des fantasmes de chacun. S’il l’on connaissant Noomi Rapace en femme trouble et obsessionnelle, l’on peinait à imaginer Rachel McAdams en manipulatrice perverse. Le tandem d’actrices s’en sort toutefois avec les honneurs, donnant de leurs personnes en vue d’exploiter un certain mythe érotique du soumis et de la maîtresse.
Le tout n’est pas foncièrement explicite, mais difficile de passer à coté de l’esprit retors et sensuel de Brian De Palma, à l’instar de la scène d’introduction de son Carrie au bal du Diable, d’Obsession. Se cache toutefois sous ces aspects un drame policier très conventionnel n’offrant pas toutes les garanties. Si l’intrigue n’est pas dénuée d’intérêt, le final laisse sur leur faim les adeptes du genre Hitchcock, ce qui peut être paradoxale en raison d’une mise en scène très soignée, d’une musique à suspens omniprésente et de plans esthétisants.
Brian De Palma rend hommage à une sorte de cinéma des temps passé en s’appropriant un film français. Certes, sa démarche peut semble un brin malhonnête, mais malgré tout, l’on prend un plaisir cruel à vouloir connaître les aboutissants de la petite histoire que le réalisateur nous raconte. Par ailleurs, pour nous, mâle sensiblement adepte des fessiers et autres bustes agréablement proportionnés, le travail de De Palma ne nous laisse pas indifférent. Alors que Sharon Stone incarnait ouvertement la femme fatale de référence dans Basic Instinct, De Palma, lui, préfère laisser à ses actrices leurs parts de mystère, dans leurs sensualités respectives. Par ailleurs, le triangle que forme la brune, la blonde et finalement la rousse démontre la fascination pour le pouvoir dans la femme pour la réalisateur. Drôle de film mais plaisant, quoiqu’il en soit, même si tout semble légèrement en dessous des capacités de son créateur. 14/20