Le retour de de Palma après 5 ans d’absence sur les écrans est plutôt concluant. Passion, c’est une histoire un peu tordue entre désir et meurtre, passion charnelle mais aussi passion pour la domination et le pouvoir. Isabelle (Noomi Rapace) accède à une entreprise et elle est rapidement séduite par sa supérieure Christine (Rachel Mc Adams). Dès lors, leur relation va être de plus en plus instable d’autant plus qu’une troisième femme, Dani (Karoline Herfurth), la secrétaire, accompagne le duo.
Sans tomber dans le fantasme lesbien, le film prend parti de manière radicale autour de la question du désir qui est ici présenté sous l’angle de l’image et de l’apparence. Tout le film tourne autour de la perception que les autres peuvent avoir. Ce sont tous les rapports sociaux qui sont alors mis en avant. En témoigne l’une des scènes charnières du film : Christine diffuse en public les images de vidéosurveillance du parking sur lesquelles on voit Isabelle craquer nerveusement et emboutir les murs du parking avant de fondre en larmes. Humiliation suprême de pur sadisme de Christine envers sa collaboratrice. Le film questionne ouvertement le rapport que l’on peut avoir actuellement avec les images : que montrent-elles ? À qui sont-elles montrées ? À quel moment ? Que cachent-elles ?
L’autre scène cruciale, filmée magistralement, est celle du meurtre. Le visage du meurtrier est toujours caché, comme pour échapper à ce rapport à l’image, mais surtout la séquence se distingue par l’utilisation du split-screen, un écran divisé en deux parties et donc en deux actions. À gauche l’opéra qu’Isabelle va voir, à droite le meurtre. Association et dissociation des images dans un même temps. On entre dans l’irréel, peut-être que tout ça n’est finalement qu’un rêve, comme ceux qu’Isabelle fait à plusieurs reprises dans le film. Elle est peut-être là la passion. Les positions de forces tendent à s’inverser sans pour autant le faire très clairement, le tout baigne dans une sorte de confusion, mais une confusion plutôt maîtrisée, sans débordement, une confusion qui ne bave pas, d’où l’importance de la patte de de Palma. Ce qu’on peut remarquer c’est aussi l’absence de personnage masculin fort. Tous les hommes sont absents ou extérieurs au récit, au mieux ils sont victimes des femmes. La supériorité féminine montre ses atouts, elle émascule ses adversaires pour mieux les dominer. Ce qui a pour conséquence de soutirer tout respect des combats qui se jouent : l’arme principal est la fourberie, l’escroquerie, la manipulation. Et il va de soi pour de Palma que cela rimes avec Femme. On se retrouve donc avec un film plus féministe qu’il n’y paraît au premier abord. L’une des lacunes du film se situe dans l’utilisation, quelque peu facile, de la musique. Elle n’apporte pas d’information supplémentaire sur ce qui se passe à l’image. On a même le droit à l’un des effets les plus kitsch du cinéma : zoom avant sur la pièce à conviction oubliée accompagné d’une musique sur-signifiante.
Pour autant, de Palma signe probablement un très bon film de début d’année 2013, peut-être que les autres survivants du Nouvel Hollywood devraient suivre cette voie.