"Passion", est un film mineur dans la carrière de De Palma. Il trouve sa place dans cette catégorie de films sulfureux et intimistes qui ont fait la renommée du metteur en scène (Obsession, Pulsion, Body Double). Le film dégage un côté assez symptomatique que répète De Palma depuis déjà plusieurs années dans ses oeuvres. Le décalage entre la réalité et le rêve s'estompe de plus en plus, et le côté auto-parodique et répétitif des trucages et de la mise en scène si significative du réalisateur paraissent se décalquer sur une prise de conscience et une assomption totale. Le meilleur exemple qui pourrait référencer ces propos reste le jouissif "Raising Cain", incompris par une grande majorité du publique à sa sortie et qui au fur et à mesure du temps a finalement acquis une certaine authenticité. Les deux films partagent cette même incompréhension, alors qu'ils sont de véritables hommages au cinéma de De Palma. Ce sont deux oeuvres aussi imparfaites que stylisées (comme toujours chez De Palma), mais qui regorgent de clins d'oeil et qui surfent sur un pseudo premier degré, qui se révèle, après réflexion, refléter la parfaite auto-dérision exhaustive assumée, tintée d'un cynisme bien ponctué. De Palma s'en donne à coeur joie pour ressasser toute sa palette stylistique et ses thématiques chères à son égo d'artiste déchu, qui hère dans les méandres d'un système, qui depuis bien longtemps déjà, n'a plus foie en lui. L'idée de réaliser une remake, ce qui n'est pas étrangé au réalisateur qui nous avait déjà pondu plus anciennement "Scarface" remake du chef d'oeuvre d'Howard Hawks, ou encore "Blow Out" librement adapté du "Blow Up" d'Antonioni confirme que le maître n'est pas mort. A l'image de "Raisin Cain", "Passion" se révèle être un incroyable exercice de style réveillant les obsessions d'un homme considéré à tord et depuis bien trop longtemps par la presse américaine comme un imitateur et un "loser". On retrouve dans "Passion" tout ce qu'on aime dans le cinéma de De Palma, en passant par des effets de mise en scène (split-screen) et par des thématiques propres au réalisateur (voyeurisme,double,érotisme,meurtres). C'est aussi l'occasion de retrouver le compositeur fétiche de l'ami Brian, Pino Donaggio, dont la dernière collaboration entre les deux hommes remontait à "Raising Cain". Si on se réjouit, en tant que fan, d'un retour au source rafraîchissant, on ne peut qu’être perplexe sur certaines incompréhensions parfois significatives d'un scénario pas toujours aussi intelligent qu'il ne le laisse paraître. Heureusement que sur le point de la trame narrative, l'atmosphère sado-érotique qui persiste dans cette dualité féministe hiérarchique ne perd pas de son souffle au cours du temps. On peut aussi toujours regretter que au fil du temps De Palma n'ai toujours pas réussi à ficeler ses amourettes de façon moins kitch, rappelant à quel point le metteur en scène a été influencé par Hitchcock. L'aspect onirique du film qui s'entremêle avec la réalité, tout en jouant sur des effets de mise en scène, déconcertants à certains moments la compréhension du spectateur, est louable. Faut il encore ne pas perdre le publique, en lui proposant tout de même la chance de retomber sur ses pattes avec une série d'indices qui le mettrait sur la voie. De Palma arrive à bien maîtriser son sujet, et malgré son âge ne laisse pas la place à une multitude de facilités scénaristiques qui décontenanceraient tout le travail effectué sur cette frontière floue qui démarque le vrai du faux. Noomi Rapace et Rachel McAdams resplendissantes jouent à merveille, et créent ensemble une relation ambiguëe et torturée subjuguée par un éclairage les rendant encore plus parfaites (mention spécial au chef opérateur). Brian voulait qu'elles soient belles, qu'elles paraissent intouchables essentiellement par rapport aux hommes. Ils endossent d'ailleurs ici les rôles prédestinés à des femmes, démontrant une certaine forme de supériorité, les rendant encore plus fortes. Les hommes dégagent cette fragilité qui est éveillée généralement par la sensibilité des femmes. Cette position les rend vulnérables à l'égard des femmes affichées comme étant l'apogée du genre féminin. Le film s'inscrit d'entrée comme étant une fresque honorante et glorifiante - la femme trop longtemps exhibée comme étant secondaire, reprenant sa revanche sur un monde dominé et dirigé par des hommes. "Passion" rappelle à quel point les hommes sont faibles à l'égard de la beauté et de la prestance caractérisant le féminité. Est-ce étonnant que cette histoire ait éveillé la curiosité de cette auteur tourmenté qu'est De Palma? Non je ne pense pas. Il est, avec Tarantino, sûrement l'un des seul à véritablement comprendre le statut de la femme au cinéma. En conclusion, "Passion" reste de loin l'un des films le plus personnel de Brian De Palma.