La belle Amanda Seyfried est Linda Lovelace dans un simulacre de biopic signé Rob Epstein et Stanley Friedman. Tout le monde, à défaut de l’avoir vu, s’entend le public masculin nostalgique des films de boules d’une époque révolue, connaît Gorge Profonde, illustre métrage pornographique considéré comme le film X le plus rentable du l’histoire du genre. Tout le monde ne connaît pourtant pas la destinée de Linda Boreman, AKA Linda Lovelace, l’actrice qui s’étouffa tout du long du tournage sur le pilier d’un mâle de jadis, tout surpris des prestations buccales invraisemblables de l’ex prude jeune femme de Floride. Oui, c’est d’elle dont il est question ici, femme commune tombée sous le joug d’un maquereau raté, Chuck Traynor. Le récit du tandem Epstein et Friedman, à défaut d’être sincèrement captivant, possède au moins le mérite d’un certain culot, c’est déjà ça. Oui, faire d’une analyse biographique de la star féminine, sous la contrainte, de Gorge Profonde, une film grand public était un pari relativement osé.
Pour autant, tout ici est trop timoré, trop timide. Certes, un support cinématographique traditionnel s’éloigne considérablement du porno, quoique maintenant la marge rétrécit, il faillait pourtant ne pas trop heurté les mœurs d’un public toujours catalogué comme prude alors qu’il ne l’est pas. A peine quelques sons de succions viennent évoquer l’acte de la belle Linda, pourtant centre de son talent d’artiste, appelons ça comme ça. Dès lors, ce biopic consacré à une actrice du porno, repentie ou pas n’y change rien, s’affiche comme un sage petit film académique qui n’ose ni l’obscénité, un comble vu le sujet, à chaque film son public, ni une dissertation un tant soit peu poussée sur les méthodes de financement du film, hautement rentable. Oui, nulle allocutions aux difficultés physique de Linda, nulle allusions au financement des films X dans années 70 par le pègre, pas même un soupçon de rébellion artistique de la part de cinéastes qui filment Lovelace comme il filmeraient une biographique filmique sur un quelconque politicien.
Bref, quoiqu’il en soit, si l’on apprécie finalement un procédé narratif épuré, nulle place ici pour le larmoyant, ni même pour un féminisme prononcé, tel que l’on s’y attendait, la légèreté de ton n’est pas très propice à dresser un portrait si délicat. En effet, si la première partie dresse le portrait du femme émancipée, adoratrice de l’acte sexuelle, spécialiste surprenante de la pratique buccale dont on vente ses mérites, le second round revient sur sa gloire passagère, cette fois-ci par le biais d’une approche tragique. La mari insouciant et profiteur devient du même coup un illustre salopard, prostituant sa femme, elle-même devenue un objet sexuel voué à être exploitée. En gros, d’un récit langoureux bon enfant, on saute subitement dans un registre nettement plus dramatique. La démarche est intéressante mais il apparaît pourtant clairement que c’est avant tout le fait d’un manque de documentation de la part des metteurs en scène.
Sans doute inabouti, Lovelace s’affiche comme étant un film trop léger, trop timide, une fois encore. Pourtant, rien n’est la faute d’une Amanda Seyfried qui prend de gros risques pour sa carrière, ni même la faute d’un casting relativement intéressant, ou chacun est plutôt bon. Notons également que l’impureté de l’image, un grain conséquent, sans doute voulu pour l’immersion seventies, ne rend pas justice à l’œuvre dont les décors et costumes sont plutôt bien fichus. Bref, trop oubliable pour rester sur le devant de la scène, Lovelace laisse finalement indifférent, dommage. 08/20