Mon 1/5 vous a peut-être intrigué, puisqu'il s'adresse quand même à un Blomkamp, réalisateur porté aux nues avec District 9 et a priori loin d'être le premier tâcheron venu. Pourtant, je veux d'emblée préciser que cette note sans appel n'est en rien due à une envie haineuse de taper sur quelque chose que je n'aime pas et auquel je refuse de laisser sa chance. Sa chance, Chappie l'a eu. Il l'a laissé filer, tout simplement. Comme tout film de S-F, ce troisième film Neill Blomkamp séduit, agace, interpelle, révulse, fascine (...) surtout par des idées ponctuelles, des choix de traitement du synopsis de base, autant que par sa cohérence d'ensemble. C'est pourquoi (et aussi parce que Chappie ne m'a vraiment pas donné envie de procéder autrement) je me contenterai donc d'en parler par le biais d'un simple listing d'idées, bonnes ou mauvaises, mais tout à fait précises (attention aux spoilers). Au moment de faire les comptes, le bilan devrait être assez parlant comme ça, et cet avis s'en trouvera je l'espère clarifié. Commençons par les idées appréciables, les moments où Chappie m'a fait réagir - ce qui élimine déjà beaucoup de passages obligés auxquels donnent désormais droit tous les films sur l'intelligence artificielle - positivement. Sans chercher, je n'en compte que deux. Promis, pour ne pas tricher et donner une idée honnête de mon ressenti sans tirer vainement sur l'ambulance, je ne réfléchirai pas non plus à tous les éléments qui ont pu m'énerver. Quoi qu'il en soit, je compte tout de même deux passages réussis. Le premier, c'est le combat qui envoie Chappie à la casse, ce par quoi commencera son aventure en tant qu'entité consciente puisque c'est là que le personnage de Dev Patel pourra le récupérer pour tester son projet. Ce que j'ai très simplement aimé, c'est le ralenti (pour une fois, un ralenti n'est pas trop lourd et sert à autre chose qu'à surcharger l'image de pathos) qui montre Chappie recevoir la roquette qui devait mettre fin à son existence et qui en marquera en fait le réel début. Ce ralenti presque too much capte magnifiquement bien l'importance du moment, il marque une cassure nette et signifie assez poétiquement la naissance d'un être. J'ai trouvé ça fugacement beau, certes parce que je croyais encore que Neill Blomkamp était un gars un minimum subtil, mais aussi parce que cette image m'a fait l'effet d'un moment sacré, presque d'une prière, dans le sens de contemplation aveugle de quelque chose de plus grand ; en l’occurrence la vie. Deuxième moment plaisant ; la manière dont le créateur de Chappie mène à bien son envie de créer artificiellement une conscience : par un essai presque aléatoire dont il ne savait en rien qu'il allait fonctionner. J'avais l'impression de voir Blomkamp signer là un aveu de modestie, avouer que comprendre la vie et espérer en singer les formes était complètement vain. Mais ça, c'était avant que tout ne dérape. C'était avant, qu'il ne parte aux antipodes de mes pauvres espérances, et qu'il n'essaie avec toute la bonne foi du monde, sans second degré, de me faire avaler un récit où on transfère comme l'on veut sa conscience sur une clé USB - Luc Besson sort de ce corps. Le premier qui réussira à m'émouvoir, à traverser son film d'une étincelle de vie et de beauté véritable en résumant la conscience de ses personnages à un échange de données, il n'est pas encore né. Une preuve de plus que la subtilité et la profondeur ne sont pas le fort d'un réalisateur qui avait déjà auparavant, même si celle-ci est la plus grosse, multiplié les bévues. Par exemple, Chappie arrive à "lire" la conscience tissée par les câbles et les circuits qui composent son "cerveau" à l'aide d'un casque adapté à l'anatomie organique humaine. Si ça ne vous gêne pas, si voir de telles âneries à l'écran ne vous interpelle pas deux secondes, arrêtez la lecture ici, nous ne serons jamais d'accord. D'autres boulettes sont à noter, et désormais allons-y pêle-mêle, de façon aussi foutraque que le film : la "gangsta" qui s'humanise subitement grâce au développement de son instinct maternel, le sadisme de Hugh Jackman qui devient méchant par profit et goût de la notoriété mais se met évidemment entre temps à décapiter les gens par plaisir, Chappie qui trébuche après que des gosses l'aient caillassé - un robot n'est pas censé souffrir, soit il est endommagé et alors il ne fonctionne plus correctement soit il n'a rien et alors il marche tranquillement - oui c'est une métaphore, mais quelle subtilité ! Je note aussi l'écran de contrôle visible lorsque la caméra adopte le point de vue de Chappie en vue subjective, écran inutile puisque ce robot obéit à la voix et qu'il n'a en rien besoin de cela pour traiter une information. Une preuve de plus que Blomkamp préfère s'appuyer sur des images fortement liées à l'imaginaire S-F plutôt que de chercher le réalisme dont ne doit jamais se départir le genre, qui doit se tenir à des partis pris imaginaires de base mais ensuite s'y tenir. Peut-être que tout ceci vous apparaîtra comme un point de détail, mais ceux-ci s'agglutinent jusqu'à venir noyer Chappie sous une impression inévitable ; celle d'un gars qui poursuit avec acharnement une idée de départ qu'il est incapable de tenir sur la durée sans de nombreuses incohérences et un manque monstrueux de subtilité. La S-F aura souffert, cette année.