Récemment nous sommes allés voir « Chappie », le dernier film de science fiction de Neill Blomkamp. Il raconte l’histoire d’un robot doté d’une conscience qui va voir son développement ponctué par la dure réalité de la vie. C’est la troisième réalisation de Neill Blomkamp après « District 9 » et « Elysium ». Il semble avoir fait de la science fiction son genre de prédilection et devrait d’ailleurs poursuivre dans cette voie, puisqu’il a récemment été désigné pour piloter le prochain « Alien ». Dans « Chappie », il cherche une nouvelle fois à rendre son film le plus réaliste possible comme c’était déjà le cas dans « District 9 ». Les deux films se déroulent d’ailleurs à Johannesburg en Afrique du Sud, qui n’est autre que la ville natale du réalisateur. « Chappie » est l’adaptation du court métrage « Tetra Vaal » qu’il avait lui-même réalisé en 2003. Il tire son inspiration des mangas « Appleseed » de Masamune Shirow en ce qui concerne l’esthétisme du robot et peut être rapproché de « Short Circuit » du réalisateur John Badham, sorti en 1986. Neill Blomkamp défini lui-même son film comme un mélange de « Robocop » pour le côté action et « ET » pour le côté émotion. L’enjeu de cette troisième réalisation était donc de prouver qu’il pouvait incarner le futur du genre SF en confirmant le talent qu’il avait su montrer dans « District 9 » et en faisant un peu oublier ses loupés de « Elysium ». La question finale étant : Est-il prêt à prendre en charge un projet aussi important que le nouveau « Alien » ?
Parlons tout d’abord du concept de base. Le thème de l’intelligence artificiel est récurrent dans la SF, mais il est déjà plus rare d’y traiter le thème des sentiments. On peut citer « AI : Intelligence Artificielle », «I-Robot » ou encore le très attachant « Wall-E » et quelques autres, mais c’est loin d’être systématique. Il est d’autant plus rare de parler de transfert de conscience humaine dans une machine, la première fois étant (il nous semble) dans le récent « Transcendance » avec Johnny Depp. Or « Chappie » traite les deux aspects, ce qui lui donne une certaine originalité. Malheureusement, le traitement qui est fait de ce concept est, selon nous, maladroit et un peu raté. Mais commençons d’abord par ce qui est réussi.
Au niveau de l’esthétisme du film, le cadre un peu post apocalyptique donné à Johannesburg est plutôt bien fait car il reste suffisamment réaliste pour qu’on puisse se dire « Ca pourrait vraiment arriver». Les différents repères des gangsters sont également très bien pensés. Celui du chef Hippo respire l’argent et la décadence à plein nez. Une réussite quand on sait qu’il s’agit à la base de la maison (redécorée pour l’occasion) dans laquelle le réalisateur a grandi. Celui des « parents » de Chappie est également un succès grâce aux nombreux détails tant dans la décoration que pour les costumes des personnages. Un grand plus est le réalisme du fonctionnement de l’usine de fabrication des robots avec le système des portes à accès sécurisées mettant en abîme la sécurité que cette même usine vend. Faire appel à la motion capture pour mettre en mouvement Chappie est une bonne idée car ça renforce son côté humain. L’utilisation des effets spéciaux est suffisamment modérée pour garder le côté réaliste tout en permettant d’avoir des séquences assez impressionnantes et très stylisées avec de très beaux ralentis alliés à des plans stables dans les scènes de combats. Un point très agréable pour capter tous les détails de la scène.
Concernant le casting, on retrouve beaucoup d’acteurs présents dans les précédentes réalisations de Neill Bomkamp. C’est notamment le cas de Sharlto Copley qui a permis d’animer le personnage de Chappie et qui était déjà au casting de « District 9 » et « Elysium ». Il est en quelque sorte l’acteur fétiche du réalisateur et même plus que ça puisque les deux hommes sont en fait amis depuis le lycée. C’était sa première prestation en motion capture et il a semblé très investi dans sa performance. Cela donne un résultat que nous avons trouvé tout à fait correct. D’autres habitués du réalisateur sont Jose Pablo Cantillo (« Elysium ») qui joue America et Brandon Auret (« District 9 ») qui campe Hippo sont également de vieux amis. Tous les deux jouent des rôles de gangsters et sont plutôt convaincants avec une mention spéciale au deuxième qui fait très bien passer le côté psychopathe et antipathique de son personnage. Pour les accompagner, on retrouve 3 grands Noms. Tout d’abord, Dev Patel qui a explosé grâce à son rôle dans « Slumdog Millionnaire » et qui avait un peu disparu depuis le fiasco du film « Le dernier maître de l’air » même si on a pu l’apercevoir dans « Indian Palace ». « Chappie » était son grand retour et malheureusement, il ne nous a pas convaincu. Il fait le job mais sans plus, sans parvenir à nous émouvoir dans les moments clés à cause d’un jeu aux mimiques trop accentuées. Sa relation avec le robot, censée être particulière et unique, ne semble au final que secondaire. On retrouve également Hugh Jackman, le Wolverine de la saga « X-Men » qu’on ne présente plus. Contrairement à d’habitude, il joue le rôle du « méchant » et arbore une coupe qui a fait réagir beaucoup de monde. Lui non plus n’est pas au top et ne parvient pas à nuancer son personnage, n’offrant aux spectateurs qu’une simple caricature d’ex-militaire frustré qui veut tout exploser. Peut-être est-ce la faute du scénario qui a voulu que le personnage soit comme ça, mais nous, nous pensons qu’il y avait quand même mieux à faire. Enfin, dans un petit rôle on aperçoit la grande Sigourney Weaver (l’héroïne de Alien … coincidence ?). Son personnage est trop peu exploité pour que l’on puisse juger de sa performance mais ça nous fait toujours plaisir de la voir. Pour compléter ce casting, il y a Ninja Visser et Yo-Landi Visser qui joue respectivement le « papa » et la « maman » de Chappie et d’anciens rappeurs reconvertis dans le grand banditisme. Toujours dans l’optique d’optimiser le réalisme de son film, ces deux acteurs sont en fait des rappeurs qui ont les même noms que dans le film. Neill Bomkamp leur a demandé de garder leur style pour les costumes, leur attitude et même la décoration de leur repère. Mais là aussi, il y a des faiblesses car même si leurs attitudes de gangsters sont crédibles, leur jeu d’acteur et les émotions qu’ils sont censés faire passer ne sont pas convaincants. C’est d’autant plus criant pour Yo-Landi qui ne parvient pas à faire passer correctement son côté maternel, au point que l’on se demande comment Chappie peut s’attacher à elle. En tous cas, nous, on n’y arrive pas (et son côté niais bien trop accentué n’aide pas) ce qui gâche tout un pan du film.
Terminons avec ce qui pose le plus de problèmes pour nous : le scénario et certains choix de réalisation. En ayant vu la bande-annonce, on s’attendait à un Chappie très attachant, un peu dans le style de Wall-E. Cela aurait pu fonctionner avec cette très bonne idée d’humaniser le robot à la manière d’un enfant, le rendant vulnérable et offrant ainsi à la fois une vision nouvelle dans la SF et une vraie possibilité de développement du personnage. Malheureusement, les personnages gravitant autour du robot ont quelques peu rendu inefficace cette astuce du scénario. C’est notamment le cas de la mère, infantilisant à l’excès Chappie. Il s’agit d’un mauvais choix du réalisateur. Il souhaitait que l’actrice s’adresse au robot comme elle le fait avec son chien. Autre très grosse erreur selon nous, l’attitude de Deon envers sa plus belle création. Sans compter son évidente incapacité à faire passer les sentiments forts qu’il est censé avoir pour Chappie, on peut noter la morale constante qu’il lui fait et qu’il finit par ne pas respecter lui-même. C’est ce point qui amène toute la confusion dans le film alors même que cela était censé amener le spectateur à réfléchir sur la limite entre le Bien et le Mal. On a eu l’impression qu’il y avait une envie de jouer avec les notions de Bien et de Mal, en les mélangeant et les confrontant tout le long du film avec au final un message qui ne passe pas du tout et qui ne mène nulle part. Cela laisse un grand sentiment d’inassouvi comme si le film n’était pas terminé. C’est d’autant plus renforcé par un lien manquant entre la fin et le tout début du film avec des journalistes qui évoquent la décadence survenue après ce qui semble être la naissance d’une armée de Chappie. Au fond, tout cela est assez naturel puisque le réalisateur ne s’est pas caché d’avoir écrit Chappie comme une trilogie à la base et espère vivement pouvoir lancer la suite très prochainement. Mais, cela pose alors d’autres problèmes car le scénario et le développement des personnages ne justifient pas, selon nous, une trilogie (une mode très, voire trop répandue ces derniers temps). Tout cela manque de profondeur. Au final, nous aurions bien plus préféré une fin réelle et consistante pour un concept novateur. C’est pour nous le gros point noir du film, un mauvais traitement d’un concept original qui n’apporte finalement pas grand-chose.
En conclusion, « Chappie » reste bien dans la lignée des films du réalisateur avec de la SF qui se veut hyper réaliste. De plus, il s’appuie sur un concept de base assez original et prometteur. Cependant, le traitement qui en est fait nous paraît un peu raté et les autres aspects du film ne parviennent à palier cette faiblesse. Et puis, on s’attendait à un robot humanisé et justicier … une déception. Concernant le projet « Alien », nous ne sommes pas encore persuadés que Neill Blomkamp soit l’Homme de la situation mais on ne peut nier son talent et ses grandes ressources : il pourrait nous surprendre.
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