Après l'excellent "District 9" et le moins abouti "Elysium", Neill Blomkamp revient avec "Chappie", un film de SF bien plus intelligent qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, derrière l'aspect très caricatural des délinquants du film, le côté bourrin des rares scènes d'action (bien filmées cependant) et les 2-3 bizarreries scénaristiques
(Vincent menace Deon en plein boulot avec une arme; Deon est à la tête d'un projet scientifique en lien avec la police et n'est pourtant pas protégé; la coiffure de Hugh Jackman, on en parle?)
, le film utilise Chappie pour offrir une vraie belle réflexion sur l'opposition entre le robot-esclave (comme l'Orignal de Vincent) et l'IA (de Deon), avec en toile de fond un Chappie qui sert de miroir à la nature humaine. Il met en avant par exemple que l'Homme décide si le robot est gentil
(Deon veut éduquer Chappie)
ou méchant
(l'Orignal utilisé à des fins meurtrières, les truands qui apprennent à Chappie à tirer)
, ou bien crée tout autant qu'il détruit
(Chappie est l'oeuvre de Deon, Vincent détruit les robots de Deon d'un clic)
. Si le ton comique de certains passages peut dérouter en cours de route, il reflète parfaitement la dualité enfant/adulte sur l'appréhension de la violence
(les adultes corrompent Chappie (vol de voitures, tir, tenue gangsta (médaille et allure)), lui sauve sa mère grâce à sa conscience conservée; les adultes tirent sur tout ce qui bouge, Chappie réagit à la peinture et à la peluche poulet, et fait le perroquet)
et le devenir de l'Homme avec le temps
(il se prend à mentir et à devenir pourri avec l'âge)
, une spécificité qui se retrouve dans les nombreuses notions que Chappie acquiert au fil de ses aventures
(le pardon, l'existence de la mort, le questionnement de son créateur, le transfert de conscience et la différence entre le corps et l'âme)
. Pour aller plus loin, Chappie est aussi la représentation du racisme ambiant et du harcèlement,
puisqu'il est humilié et frappé car différent
. Globalement, le propos SF et humain de "Chappie" est donc satisfaisant, toutefois, je regrette que la question de confier la sécurité publique à des robots et des sociétés privées soit insuffisamment traitée
(seulement par le prisme des coupes budgétaires)
et que Blomkamp ne soit pas aussi descriptif sur son pays que dans "District 9", se contentant ici d'une maigre réflexion sur une ville de Johannesburg passant des très riches
(les voitures de luxe)
au très pauvres (les délinquants dans des entrepôts) en quelques mètres. Enfin, bien aidé par les prestations majuscules de Sharlto Copley et Dev Patel (Hugh Jackman est plus caricatural, on voit peu Sigourney Weaver) et les musiques d'Hans Zimmer et du groupe sud-africain Die Antwoord, "Chappie" délivre de beaux moments d'émotions (la fin est magnifique). Au final, "Chappie" est un objet SF pas comme les autres, certes imparfait, mais terriblement profond sur la nature humaine.