Chappie ou un Pinocchio moderne ?
Chappie est un bon film... si tant est que vous décidiez de ne pas prendre trop de recul en le voyant.
Je m'explique : certes, on Bloomkamp nous plonge dans un univers intéressant, le postulat de base est bien amené, l'opposition entre les deux visions possibles d'un robot, tantôt doté d'une intelligence artificielle, tantôt contrôlé par l'intelligence d'un humain, est assez bien posée, et très bien incarnée par les deux acteurs principaux. Bref, un scénario bien mené, une réalisation audacieuse et intéressante, des personnages travaillés soigneusement.
Mais faisons maintenant un pas en arrière. Et si chappie n'était qu'un pinocchio moderne ? L'histoire d'un gars de génie qui bosse et peaufine durant 947 jours un robot pour lui donner vie. Le robot se trouve par la suite confronté au monde réel, tiraillé entre sa "morale" qu'il doit mettre de côté pour s'assurer de continuer a vivre. Finalement, point de réelle innovation sur la façon de voir l'intelligence artificielle dans chappie. Remplacez le robot par un pantin de bois, c'est de suite moins classe mais le propos reste le même.
Mais ce qui est le plus gênant quand on fait ce pas en arrière, ce sont les raccourcis faits par Bloomkamp. Si le propos de départ intrigue, l'idée de l'intelligence artificelle et les questions posées sont vite oubliées, le film se concentre sur la relation entre le mignon petit robot, qui finalement n'a de robot que l'aspect, puisqu'il se comporte comme un enfant, et ses parents adoptifs ainsi que son créateur. Que montre le film ? Pas grand chose en définitive. Il n'y a pas vraiment de morale, de réponse à la question de l'éventuel danger de l'intelligence artificiel, ou des avantages par rapport à l'intelligence humaine, ou même de ce qui différencie être vivant de robot. "Demain vous pourrez télécharger votre femme sur une clef USB", tel pourrait être le propos du film. Chappie est donc un (bon) film d'aventure plus que de science-fiction, où l'on finit par avoir recours à des raccourcis quelques peu grotesques (comme le fait de pouvoir à l'arrache balancer n'importe quelle "conscience" humaine dans un robot équipé d'un disque dur et d'un processeur) pour offrir au spectateur une fin heureuse et un peu aberrante, et où l'intelligence artificielle n'est pas un sujet traité par le film, mais plus une manière d'amener une aventure, l'aventure d'une sorte de pinocchio du XXIè siècle.