Avec "Chappie", le sud-africain Neill Blomkamp se place définitivement comme étant le nouveau wonder boy du film de science-fiction, 6 ans après le surprenant "District 9" et deux ans après "Elysium", avec un budget à chaque fois plus conséquent. "Chappie" est une réussite, dans le sens qu’on ne peut s’empêcher de prendre en sympathie le rôle-titre, grâce notamment à l’intelligence artificielle dont le robot a été doté, mais aussi grâce à sa façon de bouger, très humaine. Pour ce faire, la motion-capture a été utilisée sur de véritables acteurs (en l’occurrence Sharlto Copley, une technique déjà largement éprouvée pour humaniser des personnages pourtant loin d’être humains). Mais la véritable prouesse réside en le fait que les techniciens ont réussi à donner une vraie expression scénique à ce robot, grâce au langage corporel : outre le fait de lui avoir prêté des yeux aux pupilles pixellisées, c’est la barre en guise de sourcils qui fait une grande partie du travail, avec le mouvement perpétuel de ses antennes qui font aussi office d’oreilles, et je ne parle même pas de la main portée au menton pour les séquences de réflexion. "Chappie" présente un problème d’éthique avec l’exploitation de l’intelligence artificielle, et pose la question de savoir jusqu’où on peut aller, sous quelque façon que ce soit. Une question que le genre humain se pose depuis longtemps depuis qu’il pense avoir les outils pour la créer. Et c’est aussi pour cette raison que "Chappie" reste assez cliché dans son histoire : un scientifique qui peine à imposer ses avancées technologiques contraint de les tester autrement, un PDG qui ne pense qu’à enrichir son affaire, un autre scientifique qui ne parvient pas à imposer sa technologie à l’apparence largement dépassée, et des méchants vraiment très méchants mais paradoxalement pourvus d’un cœur. Evidemment, tout cela rappelle dans les grandes lignes la trame de "Short circuit" (1986), et quelques éléments de "Wall-E" (2008), dont la très ressemblante voix doucereuse (pour la VF) du petit robot. Le tout est mixé, bien travaillé, et ça donne ce sympathique divertissement qu’est "Chappie". Au milieu des effets spéciaux très réussis, évolue un casting à la hauteur de l’événement. Le trio infernal composé par Hippo (Brandon Auret), Yankie (Jose Pablo Cantillo) et Yo-Landi (Yo-Landi Visser), amènent par leur méchanceté des situations cocasses, et donc plutôt drôles. Disons qu’elles prêtent au moins à sourire. Face à eux, des stars, à commencer par un Dev Patel (héros ordinaire de "Slumdog millionnaire") très convaincant en scientifique, puis par un Hugh Grant toujours plus bluffant dès lors qu’il s’agit d’exprimer des sentiments les plus durs. Sigourney Weaver fais comme à son habitude depuis un certain nombre d’années, à savoir de courtes apparitions mais attention : son rôle n’est pas si anecdotique que ça dans la construction de l’histoire. La réalisation et le montage rendent le récit très fluide, et nous emmènent jusqu’à la fin du film sans ennui. Quelques clichés photographiques sont intéressants, et j’avoue avoir un faible pour le plan où on voit la silhouette de Chappie se découper sur le ciel et la ville du haut de son tertre rocheux sur lequel il s’est posé
, juste avant de se faire capturer
. Après, question crédibilité
(genre faire contenir une conscience sur une clé USB)
, faut pas trop chercher car ça reste tout de même de la science-fiction. Il n’empêche que le tout est sacrément bien ficelé, et parvient même à susciter divers états d’âme chez le spectateur, allant de la tristesse (voire de la désolation jusqu’au sentiment de honte
quand le robot se fait passer à tabac
) à la joie, en passant par de la compassion et une certaine admiration. Bougrement intelligent (oui je sais, celle-là était facile mais je n’ai pas pu m’en empêcher), "Chappie" est une bien jolie réussite, et je me surprends même à attendre la suite avec une relative impatience, le twist final laissant largement la place à une séquelle.