Neil Blomkamp avait sacrifié sur l’autel de la rentabilité, le fond de son avant-dernier film, «Elyisum». Moins emprunt que «District 9», le film avec Matt Damon en tête d’affiche, malgré son panache visuel, sentait l’épopée SF robotisée dans son schéma narratif, vu et revu, et rouillée dans son allégorie sociale, voire tout simplement dans son récit.
Pour «Chappie» le réalisateur ne change pas de créneau, mais se détache enfin d’un schéma trop manichéen et revient aux «origines». Toujours sur la voie du film d’anticipation à consonance SF, cette fois Neil Blomkamp insuffle une vraie direction scénaristique à son histoire. Sous les contours de l’intelligence artificielle, le réalisateur navigue au plus proche de l’éducation et ce qui pourrait être lié à l’enfance. Et c’est par le biais d’un conte futuriste qu’il tend à dépeindre son propos.
Peu évident à la vue de la tâche imposée, et du ridicule qui pouvait naître une fois la problématique du film mise en place. Et pourtant c’est par un savant dosage d’humour et d’émotions qu’il réussit à tenir son film du début à la fin. Même les séquences les plus risquées (Chappie imitant ses «pairs» gangsta) tiennent très bien leur place dans le film. Si la réussite est à nouveau au rendez-vous, c’est par le retour de Neil Blomkamp sur un terrain qu’il maîtrise parfaitement, en résonnance de ce qu’il avait accompli sur «District 9», celui de personnages travaillés (en chair ou en câbles), plus subtils qu’ils n’y paraissent.
Là où certains ne verraient que le ridicule enfantin d’un film pour fan de SF, ce serait oublier l’accent prononcé de «Chappie» à tendre vers le conte pour enfant. De nombreux éléments sont là pour en attester, jusqu’à l’abandon dans la cité, «forêt-jungle» urbaine, qui n’est pas sans rappeler, sur ça et d’autres points, les contes des frères Grimm. Mais la dimension émotionnelle du film ne s’arrête pas ici puisque dans ses élans métaphysiques le film répond encore présent. Sens de l’éducation, de la mort, du libre-arbitre, rapport au corps et à la pensée tout y passe au sens large, mais avec précision et attention.
Le versant artistique n’est pas en reste puisque le film est une démonstration de ce qui peut se faire de plus crédible en effets spéciaux. Inscrits dans un décorum post-apocalyptique urbain, dont Blomkamp reste fidèle, l’univers de «Chappie» est vraiment sublime à regarder.
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«Chappie» offre plus que ce qu’on pouvait espérer d’une campagne de communication heureusement discrète (comparée à d’autres). C’est un pur divertissement qui n’oublie pas d’être intelligent, sans manichéisme facile, et se risque dans un difficile mix compliqué, d’évoquer les problèmes sociaux actuels, de l’émotion, tout comme du futur autour du tout robotique. Certains y verront une naïveté passive et bon enfant quand un regard plus sérieux méritait d’être posé sur ce film, par une richesse de son fond et une certaine beauté "auteuriste" de sa forme.