Noir. Le "rideau" se lève peu à peu. Dans le cadre, des jambes se pressent. Des pas résonnent contre un sol blanc. Lisse. Enfin, le titre paraît, écrit en grosses lettres rouges, accompagné d'un majestueux son : déjà, la guerre est déclarée, solennellement, en plus. Au fur et a mesure, des gommettes pailletées apparaissent sur l'écran, des lumières mauves sucettes illuminent les personnages, des sons étranges noient les images : c'est la couleur de la vie, du moins celle qu'elle devrait prendre, chaque jour, quoi qu'il en coûte. Il s'appelle Roméo. Elle s'appelle Juliette. A eux deux, ils sont l'amour, la passion. Les protagonistes ne sont pas des personnages : ce sont des images, des représentations, sensées incarner naïvement tour à tour l'amour, la colère, la joie, la tristesse. Le film à un côté amateur, dans son interprétation surtout et ses effets un peu désuets de la mise en scène (Voix off chiante, zoom sur le téléphone...) La forme, parfois à revoir, donc, semble écrasée par le fond, qui lui charme, littéralement. L'histoire émeut, mais d'une autre manière, cette fois. Pas de pathos, pas de plans fixes noyés dans les larmes, justes des images, des souvenirs, fulgurants, explosant à chaque plan. Le film semble tout le temps être une fleur rose qui éclot soudainement, une cerise rouge vif que l'on aime déguster, sucrée comme il le faut. Donzelli se permet tout : ellipses narratives, accélérations abruptes ou dilatation du temps, essaye différent morceaux de musique comme une ribambelle de nouvelles robes. Elle offre à son histoire terrible toute la valeur du cinéma, qui semble respirer à chaque seconde, nourri par des effets stylistiques qui permettent à la poésie de s'insuffler. Morceaux pop étranges et fun cohabitent avec du classique pur : cela déroute, dérange, agace parfois, mais ne cesse jamais d'attirer la curiosité. La trame du récit, d'abord linéaire puis craquelée en saynètes dispersées comme un puzzle, est intéressante et audacieuse. Sorte de chewing-gum élastique et parfois franchement marrant où le temps s'étire dans des ralentis déroutants, La guerre est déclarée sent le bonheur à plein nez.. L'objet, cinématographique avant tout, parvient à dépasse la fonction de simple film : c'est un tableau de vie où les couleurs éclatent comme dans un tableau de Van Gogh, où le soleil tape, les feuilles tombent, le combat perpétuel des hommes, leur espoir, leur amour, fait perdurer l'envie de vivre, la seule qui combattra la mort. La mort et la vie, éternelles et curieuses oppositions : Donzelli le crie, le hurle : entres elles, c'est décidé ; la guerre, est déclarée. 17/20