Le cinéma ce n'est pas que les acteurs et les réalisateurs. Le cinéma c'est aussi des gens qui travaillent dans l'ombre, des gens qu'on ne reconnaîtrait pas dans la rue parce qu'ils font un métier plus discret que ceux cités un peu plus loin. Parmi eux, il y a les concepteurs d'affiches. Et je pense qu'il faudrait virer celui qui a conçu celle de La Guerre est déclarée puisqu'en recopiant les extraits de critiques, il s'est trompé de film : " La fureur de vivre ", " Un hymne à la vie ", " Lumineux et bouleversant ". Quoi ? Où ça ? Dans le dernier film de Valérie Donzelli ? Tant qu'à faire, il faudrait aussi virer le monteur de la bande-annonce, qui non seulement bande pour rien ( en reprenant elle aussi les critiques dithyrambiques de la presse ) mais annonce aussi ce qu'on ne verra pas : un film plein de vie, de fureur, fait d'espoirs et de désespoirs dont la matière constituerait l'énergie même du film. Résultat à l'écran ? De la banalité, positive d'une part et négative de l'autre. Là où la banalité n'est pas dérangeante, c'est dans la manière qu'a Valérie Donzelli de décrire le quotidien d'un couple en crise et la maladie de l'enfant. La metteur en scène sait capter des moments de vie qui paraissent vrais, et son choix - remarquable - de ne pas verser dans le pathos aide à l'implication du spectateur, du moins à la crédibilité de l'ensemble. Le contrepoint entre les faits vécus et le style donzellien est un choix noble qui participe pleinement à la tonalité du film, qui ne baisse jamais les bras. Peu de violons larmoyants dans cette guerre, plutôt une musique en contraste avec l'action, faite de pop, d'électro, de sons énergiques plutôt que mélodramatiques. Si la cinéaste française évite de faire monter l'émotion par des moyens gratuits et trop faciles - il va être question de la banalité négative ici - il y a un autre problème : elle ne fait monter aucune émotion. Le film est assez plat, et ne propose pas grand-chose autour des moments de vie quotidienne pour les styliser ( dans le sens où son regard n'est pas si intéressant que cela ). La Guerre est déclarée semble dès lors plus important pour ce qu'il n'est pas, plutôt pour ce qu'il pourrait être : il n'est pas mélodramatique certes, mais il n'est même pas dramatique. Les quelques bonnes idées de mise en scène sauvent le film de la plus ennuyeuse banalité, mais rien de transcendant, juste de l'idée aussi pop que la musique du film, qui fait son petit effet mais qui n'inscrit aucune gravité dans les émotions potentielles de l'oeuvre.
Pour autant, le film est agréable à suivre - en dépit d'une certaine répétitivité au bout d'une heure - et ce grâce à la mise en scène légère de la réalisatrice. Même si ce cinéma ne recherche pas à faire ressortir une scène plus qu'une autre, une émotion plus qu'une autre, certaines séquences sont plus réussies que d'autres, preuve du caractère inégal de l'écriture. En dehors de la maladie de l'enfant, on peut davantage retenir les conséquences subies par le couple central du film ( d'ailleurs, le prologue insiste sur le bon état de santé d'Adam plus âgé, preuve que le film se débarrasse dès le début d'un suspense qui aurait pu paraître malsain ). Ca n'est pas un hasard si les parents se prénomment Juliette et Roméo, comme s'il fallait cristalliser l'attention en mettant le doigt sur ce qui fait véritablement le sujet du film : le couple. Les moments les plus intenses, trop brefs, sont sûrement ceux où l'usure du couple se fait sentir, où Roméo ne trouve pas d'écho à son " Je t'aime " chez Juliette, où la ligne du couple se mue en un triangle au sommet duquel se trouve le bébé et où les deux parents communiquent moins entre eux. D'un autre côté, il y a quelque chose de beau quand le couple se révèle soudé malgré l'épreuve terrible que ses deux membres traversent. Seulement, il s'agit là d'un fait réel, ni d'une idée de scénario ni d'une idée de mise en scène. En travaillant sur la base de l'autobiographie, il semblerait alors que Valérie Donzelli se contente de la véracité des faits en mettant de côté les moyens cinématographiques. Ce film-là - et l'aspect documentaire est donc réussi - insiste plus sur l'intention de départ et une description intime des faits plutôt que sur l'exploration approfondie de la mise en scène. La Guerre est déclarée porte en lui un souffle généreux, mais sa générosité s'essouffle assez vite. La guerre est déclarée, peut-être, mais elle est loin d'être remportée.