Très bon film de Valérie Donzelli, dont l'objet est, comme le titre l'indique bien, une guerre déclarée à la maladie : guerre de jeunes parents, Roméo et Juliette (Jérémie Elkaïm et Valérie Donzelli, tous les deux plutôt bons, qui se sont inspirés de leur propre histoire, livrant, selon le mot de la réalisatrice, une oeuvre autobiographique, censée transfigurer un événement négatif en expérience positive), et maladie d'Adam, leur poupon. Le film a un gros point fort, c'est qu'il évite le pathétique, le gros plan sur la mère éplorée, le lourdingue à flonsflons, etc. : La guerre est déclarée déclare aussi la guerre à la facilité émotionnelle et à la démonstration sans médiation d'afflictions ou autres désolations - et à part une seule scène vers la fin du film, je crois, où Roméo, à bout de forces, demande, comme Job, "Pourquoi nous Juliette ? Nous étions si heureux avant...", le film n'aborde jamais directement le malheur du point de vue du souffrant et de la victime - d'ailleurs cette scène se conclut par une très belle réplique de Juliette : "Parce qu'on est capable de surmonter ça". Il ne faut pas s'étonner si le film possède quelques retombées négatives corrélatives à ses propres forces : si d'une part le film sonne comme un chant à la vie ou un hymne au courage et à l'amour, d'autre part, il tombe parfois dans un excès "d'unilatéralisme", et à force de suivre le couple déployer toujours davantage d'énergie et de vitalité hautes en couleur, on arrive à oublier ce que ce même couple tente de cacher par-dessus tout : la tristesse dans toute sa nudité. Si le film laisse ainsi une forte impression de victoire et de dépassement (de soi comme de la maladie), celui-là n'évite pas pour autant ce qu'on pourrait presque appeler un excès de zèle, un "trop", genre hyper-activisme en effervescence afin d'éviter à tout prix le fatalisme défaitiste. En d'autres termes le choix n'est pas contestable, bien sûr, mais enfin on peut quand même reprocher au film d'aller toujours en sens unique - une sorte de mouvement rectiligne accéléré - sans frein, sans contre-poids.
Pourtant, plein de choses agréables, ambitieuses même (quand on pense au travail presque en bricolage, avec un appareil photo en guise de caméra pour la plupart des scènes) : une variété qui fait du bien dans la réalisation, des prises de risque, un rythme la plupart du temps bien maîtrisé, une esthétique riche et bariolée qui sert bien le film. Des choix musicaux judicieux la plupart du temps - comme la scène au cours de laquelle Juliette annonce la nouvelle par téléphone à toute la famille, et surtout à Roméo (genre un arrangement en mode Caprice de Paganini) - , malgré, quand même, un "trop", là encore, de musique, avec quelques ratés monumentaux (la chanson où les deux amants se déclarent leur flamme, j'aime ta cuisse, ton saucisson et ton grain de beauté..., composée par Donzelli et arrangée par Biolay, (aucun commentaire), est vraiment naze naze naze, ou alors de trois minutes trop longue, c'est selon...). La voix off, presque Nouvelle vague truffaldisée, est chiante au début, plus "décalée" par la suite, terminant sur une bonne note à la fin du film (en fait, quand elle n'est plus "sérieuse"). Des choses risquées/réussies, donc, comme cette belle dernière scène criante de justesse et de spontanéité (ça me rappelle une autre scène finale sur la plage... bref) ou encore comme ce mélange entre fiction chamarrée et sombre réalité, mais aussi risquées/ratées, comme ces scènes kitsch ou ces dialogues limite neuneu (au début du film). Dans tous les cas, l'imaginaire (Roméo, Juliette, Adam... un arrière-goût de tragique...) excède le réalisme, avec cependant, comme écueil déjà cité, un "trop" d'imaginaire et de digressions fabulatoires.
Les points noirs, cela dit, n'ôtent rien à la force du film, à son harmonie générale, et à sa puissance émotive : La guerre est déclarée fout incroyablement la pêche, émeut lors de quelques fulgurances, ridiculise tous nos "problèmes" quotidiens comme autant de facéties douillettes et bourgeoises (le film emprunte souvent un ton "bohème"). Et puis mince, par deux fois la larme m'a mordu l'oeil, ce qui n'était jamais arrivé... Alors... malgré l'inadéquation note/qualités formelles ou intellectuelles, 16/20, zou.
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