François Damiens est apparemment devenu une marque déposée assez rentable pour que de peu scrupuleux producteurs n’hésitent pas à régler son cachet pour attirer des imbéciles comme moi dans les salles, convaincus qu’ils ne pourront être trompés sur la marchandise. C’est heureux pour son compte en banque, nettement moins pour les amateurs de cinéma.
Le cinéma m’a appris depuis un bon moment déjà qu’il ne faut mieux pas toujours se fier aux bandes annonces pour présager de la qualité d’un film, ces très courts métrages ayant la fâcheuse habitude d’enjoliver un peu les choses, quand ce n’est pas carrément de la publicité mensongère. N’étant hélas qu’un simple mortel n’ayant pas d’autres moyens pour me faire une idée sommaire du contenu d’une œuvre, je n’ai toutefois pas trouvé d’autre dispositif pour choisir quelles séances auront chaque semaine le privilège d’être honorées de ma présence.
Comme je l’évoquais hier, outre la présence du toujours cocasse belge déjà nommé, la bande annonce de Je fais le mort me laissait à penser que je me trouvais peut-être en face d’une sympathique et enlevée comédie policière, genre qui m’avait ravi il y a pas si longtemps avec le très drôle Pauline Détective de Marc Fitoussi et Sandrine Kiberlain (très drôle, j’insiste). Si je ne m’attendais pas non plus au film de l’année, j’avais la faiblesse d’espérer que Je fais le mort serait au moins un peu du même acabit : une comédie totale sans aucune arrière-pensée pastichant habilement le genre du polar.
Mais il ne faut faire confiance à personne, et surtout pas aux producteurs de cinéma qui sont sur Terre la pire espère qui puisse exister avec les traders de la City et l'individu odieux qui s'esclaffait comme un attardé mental derrière moi tout à l’heure.
J’ai donc très vite compris que Je fais le mort ne serait pas un chef d’œuvre : au mieux une bonne comédie pas inoubliable, au pire un chèque en blanc donné à François Damiens pour essayer de cacher une absence totale de travail sur les textes et le scénario. J’aurais bien signé pour la première option mais il m’est malheureusement vite apparu que je n’aurais peut-être pas le luxe de choisir, le spectacle à l’écran s’étant très vite chargé de me remettre les idées en place.
Poussif mais gentillet pendant une bonne moitié du film, Je fais le mort n’est jamais vraiment tordant, d’autant plus que tous ses meilleurs gags sont déjà contenus dans la bande annonce (…), mais a au moins un temps le mérite de rester dans le cadre étroit mais confortable de la petite comédie familiale sympatoche, qui est bien le seul graal qu’il semble pouvoir atteindre. Rien n’est vraiment génial, les blagues ne font pas toujours mouche, le rythme n’y est pas et les acteurs n’ont pas tout à fait l’air convaincus par tout ça mais bon, on voit quand même à peu où ça nous mène.
Et puis peu à peu, quelques scènes étonnamment peu cocasses nous interpellant ici et là, un doute nous assaille : Jean-Paul Salomé n’aurait quand même pas l’intention de se prendre au sérieux et de nous faire le coup de la comédie pas seulement drôle mais qui est aussi un peu dramatique ? Au début, on se dit que non, c’est quand même trop gros, ça doit juste être un souci de mise en scène ou de montage final parce que non, personne n’y croirait. Franchement.
A mesure que Je fais le mort prend vie, la vérité éclate pourtant un moment au grand jour, car même les aveugles sont dotés d’un sixième sens : et si, Jean-Paul Salomé va vraiment la traiter sérieusement son histoire policière pour feuilleton de chaîne de la TNT. Non content de nous offrir une comédie pas si drôle que ça, il a donc décidé de nous livrer en bonus un polar sans aucun intérêt, dont il nous semblait pourtant avoir été clairement établi dès son début qu’il était trop bête pour être vrai. Et puisqu’il lui faut le beurre, l’argent du beurre et le pot de la crémière, et bien allons y gaiement et balançons aussi une petite amourette hautement improbable mais tellement mignonne. A ce moment, un rapide examen de l’heure indique qu’il reste encore un bon paquet de temps à subir cette farce et qu’il serait probablement plus sage d’en rester là mais mon dévouement à votre égard m’interdit hélas de quitter précipitamment la salle, ça ne serait pas professionnel. Soit, j’irais donc jusqu’au bout.
En dépit de tout cela, il faut toutefois avouer que le film de Jean-Paul Salomé a au moins une qualité, celle d’être constant dans sa façon d’empirer scène après scène. Passant parfois des minutes entières sans ressentir le besoin de nous faire rire, il parvient à progressivement nous faire oublier qu’il a pu avoir un moment un soupçon d’intérêt, sombrant finalement dans une fin si lamentable qu’elle pourrait presque en être comique, mais non. Ni drôle, ni prenant, ni émouvant, ni rien, Je fais le mort fait effectivement le mort et s’étire dans des rebondissements aussi interminables qu’inutiles qui feraient passer un épisode de Julie Lescaut pour un thriller de David Fincher.
Passés les derniers instants du massacre à l’écran, il ne nous reste alors plus qu’à nous lever et sortir pensifs dans le froid sordide régnant au dehors, puis marcher l’air perplexe en tentant de reconstituer la suite logique des pensées nous ayant entraîné dans ce traquenard.
Ah oui, François Damiens. C’est con en fait un cinéphile.