Construit sur l’imposture de son personnage principal aux motivations cachées, le scénario linéaire du film interroge l’expression artistique et le statut d’artiste. Avec cynisme et sans démagogie, Gastón Duprat et Mariano Cohn dressent un portrait acerbe du milieu de l’art contemporain. Comment définir une œuvre artistique quand celle-ci semble relever d’un simple gribouillage ? Est-ce-que l’intellectualisation de l’art n’est pas pure vacuité ? Quelle devrait être la valeur du talent quand celui-ci est usurpé ? Au-delà des thématiques abordées, l’intérêt du long métrage réside aussi dans le travail effectué sur la composition originale et esthétique des cadres. Les images découpées en fenêtres, les prises de vue décentrées, les gros plans décadrés, les sur-cadrages et les multiples jeux de mise en scène observés sur les décors géométriques et la profondeur de champ relèvent d’une volonté forte chez les deux cinéastes argentins de proposer une mise en scène des plus singulières. De cette mécanique audacieuse privilégiant l’immobilisme émane une atmosphère étrange qui contraint le spectateur à un regard distancié, comme devant un tableau de grand maitre. Ce film-essai sur l’art contemporain (sans le filmer) s'apparente à une œuvre d'art car il a été pensé comme tel. En cela, L’artiste constitue une belle proposition cinématographique et peut être qualifié de film d’art et d’essai au sens littéral du terme.
L'histoire d'un auxiliaire de vie qui va devenir artiste à plein temps, mais il y a un truc. Rarement un film d'auteur a frappé aussi fort sur la vacuité de notre société et de notre condition humaine. La photographie est aussi exigeante que superbe, la musique parfois parfaite, le propos qui ne cherche pas forcément à critiquer le monde de l'art est plutôt dénonciateur envers l'humanité elle même, et pose question avant tout sur les motivations de l'imposteur. Ce que justement on ne comprendra jamais ! Toutes les anecdotes, les discours et les péripéties sont si vraisemblables qu'elles nous donnent l'impression de la bonne fiction, et le plaisir en est intensifié. Le jeu de dupes de notre société occidentale ne sort pas grandi de cette démonstration, et va plus loin que le questionnement sur les artifices de la « bonne » société. Les scènes de l'autiste sont hallucinantes, magnifiquement jouées, bien filmées même si c'est toujours aussi indé que le reste des scènes qui ne font jamais « jolies ». Nul doute qu'Hollywood va récupérer ce scénario en or pour le rendre inepte et spectaculaire et surtout grand public, justement ce qu'il n'est pas devenu en Argentine, pour notre plus grand bonheur de cinéphiles. Un excellent film arrivé en 2011 à Paris, mais parti depuis 2009, bon, mieux vaux tard que jamais.
Loin de leur saisissant "Homme d'à côté", le duo de cinéastes argentins peinent à faire décoller cet artiste. Certes, ils évitent l'écueil démagogique de leur sujet - la satire facile du milieu de l'art contemporain et de sa vacuité - en laissant le mystère planer sur la valeur des œuvres exposées. Ils travaillent aussi la figure de l'imposteur en creux (ses motivations demeurent obscures, tout comme son "innocence") pour éviter le cliché du manipulateur pris à son propre piège. Mais s'il évite le faux-pas, le film ne convainc pas complètement. La faute à un dispositif un peu trop théorique et froid qui finit par tourner à vide. Le film demeure une belle réflexion sur l'art (qui est vraiment l'artiste : le créateur ou le spectateur ?) et sa mise en scène est d'une grande tenue, mais l'ensemble demeure encore trop artificiel et désincarné. On sent que les deux cinéastes se cherchent encore et il faut voir ce film comme une esquisse de leur suivant, beaucoup plus abouti à tous niveaux. "L'Artiste" demeure néanmoins une curiosité qui a le mérite énorme d'être une vraie proposition de cinéma.
excellent film le titre aurait pu etre l'usurpateur. Mais qu'est ce que l'expression artistique? C'est quoi une oeuvre artistique? Film étonnant car pas une seule fois n'est filmée l'oeuvre!! La prise de vue à contre champ comme au travers de l'oeuvre est très esthétique et originale. Caricature du milieu artistique et de l'intellectualisation. Interprétation remarquable A. Laiseca et S. Pangaro. Divers plans du film nous reposent la question est-ce de l'art? le plan sur le mur du départ et les vues de la fenêtre. Mais l’honnêteté de Jorge le tourmente, ainsi que son incapacité artistique. Comment extérioriser une richesse intérieure si elle n'est pas conscientisée? le cinéma argentin n'est pas mort