« Chauffeurs, à mon signal, enclenchez la sixième et démarrez au quart de tour. Vous êtes prêts ? Faites chauffez les moteurs ! »
Mais où s’arrêtera donc l’infernale machine hollywoodienne, qui multiplie les productions américaines à gros budget et contribue à enterrer année après année un cinéma indépendant en manque de lumière ? Que faire quand une ribambelle de franchises lucratives au budget colossal se multiplient jusqu’à masquer le reste des œuvres sorties simultanément ? Pourquoi enrayer une offre de plus en plus forte quand les dollars s’accumulent plus vite que des confettis ?
C’est dans cette optique que nous retrouvons la franchise Fast and Furious, à travers un sixième opus sorti cette année et qui, soyons réaliste, laisse moins de place à la voiture qu’à l’homme qui la conduit. Pour éviter un essoufflement trop rapide et prévoir une certaine renaissance, la saga nécessitait un mélange de fraîcheur et de changement, mais sacrifier son essence même et la diluer dans un réservoir d’action bien souvent excessive n’était pas forcément l’idée du siècle. Certes, la voiture occupe néanmoins davantage de place que dans le précédent, et le langage quelque peu technique accentue cette volonté de revenir aux sources mais, pour un film qui se veut au cœur du phénomène, sa place reste trop limitée. L’action du film, justement, monte crescendo pour finalement atteindre un pic sur la fin, dans un plan long et dépouillé de toute bonne idée, presque dans l’exagération. Entre quelques cascades qui feraient pâlir John McClane ou une utilisation trop abusive des effets spéciaux, la crédibilité en prend un sacré coup, allant même jusqu’à donner au film un goût d’inabouti, tant le spectacle abrutit. Encadrée de deux mauvais axes, l’un pour introduire un cliffhanger ringard, l’autre pour amener le caméo d’un bad guy via une scène post-générique téléphonée et trop prévisible, cette fin appuie davantage le manque de travail et de réflexion de l’équipe scénaristique. Pourtant, ce n’est pas les avertissements qui manquaient, à l’instar de la course-poursuite sur autoroute, où un véritable tank écrase tout ce qui bouge pour terminer sa course dans un branle-bas de combat médiocre et alarmant sur la capacité de certains à pondre un script de qualité. Pour finir, l’humour, qui d’ailleurs n’y a pas sa place, déclasse le métrage en lui donnant un air comico-enfantin. Pas sûr que l’effet était voulu.
Pour compenser le gâchis de la fin, l’introduction marque résolument le pas, au sein d’un montage ingénieux des cinq premiers films, donnant pour l’occasion une piqûre de rappel que l’on ne se refusera pas. Une introduction sauvage et rythmée, pleine de clins d’œil, que l’on retrouvera également dissimulés dans le film, comme pour remercier les fans de leur fidélité. Dwayne Johnson, aka The Rock, ou Hobbs comme l’appellent d’autres, participe à cet élan de fraîcheur s’abattant sur Londres, débutant par une séance de « brainstorming » délirante et terminant par un combat fort musclé contre une véritable machine de puissance. Une place légitime qui empiète sur celle de Vin Diesel, d’ailleurs, dont on pourra regretter le manque de scènes avec son compère Paul Walker. Autre point fort, sa BO à la mi-chemin entre basses efficaces et vrombissements de moteurs qui laissera songeur. Un détail qui n’en est pas un dans un film porté sur coups d’accélérateur et puissance cylindrique. Or, au bon son et aux belles voitures manquent beaux déhanchés. Et, pour l’occasion, Justin Lin prévoit du lourd, entre une Gina Carano brutalement sexy et une Gal Gadot au regard perçant, sans omettre la jolie Elsa Pataky. Enfin, comme une marque de fabrique, c’est à travers ses rodéos de nuit que l’on se sentira le plus en terrain connu, rappelant les premiers films d’une saga à succès et montrant indéniablement que Fast and Furious, c’est ça.
Pour conclure, si Fast and Furious 6 était une voiture, il faudrait en garder la carrosserie mais remplacer le moteur existant par un autre, moins gourmand. Sans toucher à l’autoradio ni aux phares, puisque la photographie reste relativement correcte, le pilote reste la pièce maîtresse, même s’il change de vitesse un peu trop rapidement. Penser également à vérifier le réservoir, pour combler les fuites et écarter toute possibilité de panne sèche. Chauffeur, pour la prochaine course, passez le contrôle technique, pour parer tout accident et éviter d’aller droit dans le mur.