C'est typiquement le genre de film qui passera inaperçu. Pas grand public, pas clairement "art et essai", très difficile à classer dans un tiroir : comédie, drame, fable ? Un peu tout cela à la fois. Avec un titre énigmatique : Si tu meurs, je te tue, qui ne donne aucune indication sur ce que le film raconte. Quant au metteur en scène, Hiner Saleem, né en Irak, il est connu pour son Vodka Lemon, un poil trop agité, et n'a guère signé d'oeuvres marquantes depuis. Pourtant, son dernier film, français de nationalité, mais bel et bien kurde dans l'esprit, possède un charme fou dans un registre décalé, parfois burlesque, au sein d'une histoire qui a plus à voir avec la tragédie. Il y est question d'exil, le Kurdistan indépendant n'existe toujours pas, de la religion et de la place des femmes dans une communauté fermée et respectueuse de traditions ancestrales. Saleem met un petit grain de folie dans ce monde a priori austère et signe une sorte de conte qui se soucie assez peu de vraisemblance ou de réalisme. Le caractère un brin irrévérencieux de l'affaire est plutôt déconcertant, mais participe du plaisir que l'on prend à ce film dégingandé, à l'atmosphère lunaire. L'irruption d'un français qui n'a rien demandé, l'excellent Jonathan Zaccaï, sert de révélateur, dans ce récit qui pourrait, devrait, basculer dans le drame et qui s'en échappe par des pirouettes incongrues, totalement inattendues. Et puis, il y a la merveilleuse et lumineuse Golshifteh Farahani, seule dans ce monde d'hommes, dont la volonté de se libérer laissera pantois les machos qui l'entourent. Cette actrice iranienne, remarquée dans A propos d'Elly, vit désormais à Paris et fait partie de la distribution des prochains Roland Joffé et Marjane Satrapi. Elle n'est pas pour rien dans le bonheur simple que l'on prend à ce véritable film de kurdes.