Deux phrases retenues à la volée : « Tu es un beau parleur » et « Je crois avoir passé ma vie à courir après l’argent ». Le beau parleur : c’est Jacques-Yves Cousteau, et celui qui court depuis toujours après l’argent c’est le beau parleur ! Ainsi, Jacques-Yves Cousteau a dû séduire les banques, les maisons de productions TV américaines, les mécènes divers et variés et avant tout sa femme pour s’octroyer de vivre une aventure digne d’une Odyssée. Ainsi, on s’aperçoit que cet inventeur, explorateur était un visionnaire. Il est à l’origine de la plongée autonome de loisirs et professionnel, et a su se servir des médias et autres sponsors pour émerveiller le monde entier de ses images captées des fonds marins, monde caché et inaccessible au commun des mortels. Il en avait compris le fonctionnement au point de se mettre en scène, au point de dompter deux otaries et d’en faire des mascottes pour attendrir les foyers, au point d’afficher des bonnets rouges comme marque de référence, de prestige. On s’aperçoit aussi tout bon communicant qu’il était avait du mal à communiquer avec ses deux fils ; il pouvait en ignorer un si celui-ci ne correspondait pas à son monde ; on s’aperçoit que les débuts de son engagement pour filmer un monde marin inconnu et vaste était dénué de toute dimension écologique et que cette conscience écologique lui est venue sur le tard. On y voit un Cousteau obsédé, passionné, et surtout égocentrique. Florent Siri avec son « Cloclo » n’épargnait pas le côté obscur de l’artiste, Jérôme Salle en fait de même avec son Commandant Cousteau. Sans vouloir faire un mauvais jeu de mot, il se contentera de rester à la surface. Ce que l’on nous donne à voir c’est de l’ordinaire, un couple qui se délite, des relations distendues avec ses deux fils, des conquêtes féminines que l’on devine. Une famille surtout qui ne respire pas l’amour. La mère qui ne désire pas connaître la fiancée de son fils Philippe, celui-ci se marie sans la présence de ses parents ; un Cousteau qui se refuse à assister à l’enterrement de son père car trop préoccupé par son succès et ses multiples rendez-vous. Un résultat peu flatteur globalement. Cela tient au choix de Jérôme Salle. Ca partait bien pourtant. Une famille unie, une balade sous marine main dans la main, des rêves d’aventure menés à deux et concrétisés. L’émotion me gagnait petit à petit. Malheureusement, on ne voit pas cette période où Cousteau, sa femme et son équipage émerveillés par les premiers pas de leur odyssée. Cette période nous est contée sur la porte intérieure d’un placard sur laquelle Philippe, pensionnaire, affiche photos, articles de journaux, illustrant les débuts de l’odyssée de la Calypso. Jérôme Salle choisit de ne pas nous conter l’enfance, la jeunesse de Cousteau mais encore moins l’entame de cette aventure, certainement synonyme d’amour, donc d'émotion. Quand la séquence musicale du placard s’achève, on voit Philippe rejoindre son père. Et à partir de là, c’est tension, indifférence, rupture, conflit, artifice, contacts commerciaux, calculs, agenda rempli, déceptions, mesquineries. Pratiquement pas d’images sous-marines, excepté celles de Philippe avec sa rencontre avec une baleine, seul moment de grâce. Ce biopic remplit juste sa mission : instructif. Servi par de bons acteurs. Mais l’émotion du début s’est noyé petit à petit avec ce parti pris. Même la disparition de Philippe, déjà annoncée à l’entame du film, ne me touche plus. On ne devrait pas connaître la vie intime des hommes publics, on ne devrait pas connaître leur côté obscur ; c’est tout le mythe ou nos doux souvenirs d’enfance du temps où j’étais scotché devant mon écran télé en noir et blanc à regarder ce monde marin, qui s’effondre…