En tête des box offices français dès le premier jour de sa sortie, l’ « Odyssée » de Jérôme Salle est le film événement de ce mois d’octobre. Très bien réalisé, impeccablement interprété, cette biographie du Commandant Cousteau a vraiment de quoi séduire un large public.
Les articles et les reportages sur l’ « Odyssée » se multiplient depuis quelques semaines. Dès lors, impossible de passer à côté de ce phénomène. Mais est-il à la hauteur de sa réputation ? En grande partie. Si on fait abstraction du discours moralisateur des dernières minutes (malgré l’indication au générique qu’aucun lien n’a été entretenu entre le réalisateur et la Cousteau Society) et le changement de ton du dernier quart d’heure de film, « l’Odyssée » est une vraie réussite !
Par sa réalisation avant tout ! Le choix de Jérôme Salle de livrer une biographie du célèbre Commandant au travers son entourage et le regard de son fils Philippe (avec qui il entretenait une liaison forte) est très judicieux. Notamment grâce au mélange entre les images des fonds sous-marins et celles de l’entreprise médiatique Cousteau très justement dosé. Avec ces deux heures de film, on comprend la machinerie mise en place par l’ancien pilote, pour conquérir les mers mais aussi et surtout pour perdurer dans le star system. Le film est l’occasion de montrer comme ce passionné de la mer se perdra en chemin et délaissera sans aucun doute ce qui était le plus important à ses yeux : sa famille.
Cette famille, on la côtoie de très près grâce à un casting quatre étoiles. Il y a bien sûr Lambert Wilson en tête de proue mais également Pierre Niney, Audrey Tautou et Benjamin Lavernhe. Le fabuleux quatuor de comédiens a fait un vrai travail de recherches pour s’approprier les attitudes, le phrasé, les convictions des personnages qu’ils incarnent. Audrey Tautou la première, qui nous bluffe par le maintient et le langage brut propres à Mme Cousteau. Celle qui a fait des bonds de géant dans sa carrière cinématographique depuis « Vénus Beauté », se métamorphose avec une aisance incroyable et prête ses traits à une femme surprenante : Simone, la femme de Jacques-Yves Cousteau. Forte tout en étant anéantie par les agissements de son époux, elle tient la barre de la Calypso avec un courage remarquable, sans jamais rien lâcher.
Dans un autre registre, Pierre Niney est sublime ! Le comédien, qui ne doit plus faire la preuve de son talent, crève une fois encore l’écran ! La proximité qu’il entretient avec son père, les conflits qui les animent sont interprétés brillamment par ce jeune premier déterminé. Admiratif de son père, il comprendra peu à peu que ce n’est plus la passion qui anime son idole mais le désir de conquête(s) au détriment d’une nature qui subit l’empreinte humaine. En désaccord avec sa façon de faire, il éprouvera beaucoup de peine à n’être que « le fils de » alors qu’il voudrait tant être reconnu par celui qu’il admire plus que tout et exister à part entière.
Benjamin Lavernhe, plus effacé pour les besoins de son rôle, parvient à nous faire ressentir la mise à l’écart dans la relation paternelle entretenue avec son autre frère et la difficulté d’obtenir une place de choix dans l’équipage fantastique. Toujours présent, il n’a cessé de vouloir être une épaule sur laquelle Jacques-Yves refusait de s’appuyer.
Cousteau, est bien évidemment incarné par un Lambert Wilson toujours aussi remarquable ! Il est largement à la hauteur du rôle qu’on lui a confié et on ne peut que remercier Jérôme Salle d’avoir arrêté son choix sur cet immense comédien ! En effet, le réalisateur partait au départ, sur l’idée d’une biographie plus étendue, nécessitant plusieurs comédiens pour interpréter le Commandant. Fort heureusement, il a revu son plan de travail et s’est concentré sur une plus courte période de sa vie, permettant ainsi à Lambert Wilson d’assumer ce rôle du début à la fin et de nous offrir une fois encore une prestation mémorable et impeccable !
Malgré tout le talent des comédiens, nous émettons une toute petite réserve. A plusieurs reprises, on peine à imaginer que la famille que l’on côtoie l’espace d’un instant en est véritablement une… Mais peut-être que les relations au sein du clan Cousteau étaient de cet acabit et donc bien retranscrites à l’écran ? Difficile à dire. Si quelques scènes sont émouvantes ou bouleversantes, on regrette de ne pas pouvoir oublier que nous sommes dans une fiction et se laisser emporter complètement.
Albert Falco, le père de Cousteau, les producteurs américains, tous prennent vie sous nos yeux afin que nous comprenions l’importance de la place de chacun dans cette grande aventure maritime. Tout comme la « Calypso », le célèbre navire du cinéaste, qui a parcouru tant de mers et d’océans. On sait que l’utilisation du bateau du film n’a pas été facile mais le résultat est incroyable, tout comme le sont les voyages effectués par l’équipe aux quatre coins de la planète (de la Croatie à l’Antarctique !). Avec son budget colossal (de près de 30 millions d’euros), on s’attendait à avoir plein la vue, mais peut-être pas à ce point.
Très instructif et joliment réalisé, « l’Odyssée » vaut largement le déplacement dans les salles. Pour l’extraordinaire aventure familiale qu’il propose, pour ses images sous-marines d’une extrême pureté, pour l’audace de son réalisateur et de toute son équipe, le dernier film de Jérôme Salle est forcément un film qui va compter !