Je dois dire que je me retrouve face à un os : d'un côté, l'enfant qui sommeille en moi s'est juste éclaté devant ces deux heures d'aventures fantastiques en haute-mer, de l'autre, je ne peux pas m'empêcher de penser que l'on était légitimement en droit d'attendre infiniment plus que ce qui nous a été finalement délivré.
Commençons déjà avec le problème majeur de ce cinquième film : son scénario. En effet, l'intrigue ne prend jamais le peine de développer ou exploiter les divers qu'elle met progressivement en place jusqu'à leur maximum, ce qui est fort regrettable. La Vengance de Salazar, c'est littéralement tout ce que ce film contient : Salazar cherchant à se venger. Pas étonnant donc qu'il s'agisse de l'opus le plus court de la saga… Quand je pense que certains se plaignent du manque d'enjeux du quatrième volet, celui-ci avait au moins le mérite de proposer une intrigue complète et linéaire. En d'autres termes, tout semble bien trop rapidement expédié alors qu'il aurait été possible de s'y concentrer plus longuement, ce qui donne la désagréable impression que la saga n'a plus rien à raconter alors que c'est encore loin d'être le cas. De ce fait, Jack, Barbossa et même Salazar (pourtant annoncé comme LE méchant ultime de ce nouvel opus) passent presque inaperçus et font quasiment office de figurants au sein de leur propre histoire, ce qui est un comble pour un film censé marqué le retour (mais aussi le départ) de nombreux personnages-clés.
Il y avait un océan de possibilités (sans mauvais jeu de mots) à explorer dans ce nouvel opus, qui préfère recycler certains concepts phares de la licence plutôt que de tenter une nouvelle approche. Vous l'aurez compris, La Vengeance de Salazar sent le réchauffé. En témoigne l'antagoniste éponyme, Salazar étant un véritable concentré de l’intégralité des méchants de la saga :
Ça commence à sentir le réchauffé. Par exemple, Salazar est un parfait concentré de l'intégralité des méchants de la saga :
redite de Beckett car officier de la Marine s'étant juré d'éradiquer la piraterie des eaux caribéennes (les deux personnages meurent d'ailleurs d'une façon étrangement similaire)
resucée de Davy Jones ET de Barbossa car à la tête d'un navire légendaire et d'un équipage maudit
réminiscent de Barbe-Noire car aux commandes d'un navire possédant sa propre conscience organique
D'ailleurs, tant qu'à parler de Salazar, le personnage s'avère terriblement inconsistant, l'interprétation de Javier Bardem (pourtant habitué aux rôles de psychopathes et autres mégalomaniaques) étant assez inégale dans son ensemble, alternant constamment entre l'ennemi charismatique et déterminé au bad guy extravagant qui prend des intonations rigolotes pour effrayer ses victimes. Au final, le personnage n'est qu'une péripétie parmi tant d'autres, sa mort et ses motivations faisant partie des plus oubliables et paresseuses de la saga.
En plus d'être particulièrement décousu, le scénario contient également de nombreuses incohérences/absurdités qui auraient facilement pu être évitées. Déjà, Barbossa rappelle à Jack qu'il a récupéré le Queen Anne's Revenge il y a cinq hivers de cela. Or, Henry Turner a vingt ans dans cet opus, cela signifie donc qu'il s'est écoulé environ 15 ans entre l'épilogue de Jusqu'au bout du monde et le début de La Fontaine de Jouvence ? À ce propos, pourquoi n'est-il jamais fait mention du fait que Jack soit 100% responsable du sort de Will Turner ? Ça aurait pu amener des scènes intéressantes entre lui et Henry mais non, le film préfère se concentrer sur les conseils de séduction de Papy Sparrow. Dans le même ordre d'idée, pourquoi Jack ne s'énerve-t-il pas lorsque Barbossa jette le Pearl réduit à l'eau ? Comment la sorcière a-t-elle pu récupérer le compas de Jack ? Et pourquoi diantre le vaisseau de Salazar (qui appartient à la marine espagnole) porte-t-il un nom anglais ?
Le montage est également problématique, jonglant avec des scènes spatialement et/ou temporellement éloignées alors qu'un découpage plus fluide et mieux équilibré aurait été le bienvenu (en démarrant directement avec la mort de Salazar plutôt que de la raconter en flashback au beau milieu du film par exemple). Ainsi, le long-métrage s'attarde trop lentement sur des aspects qui auraient pu être survolés et éclipse de nombreux passages qu'il aurait été intéressant de développer. Certaines scènes censées être cruciales m'ont également paru assez fades et peu impressionnantes, pour ne pas dire ratées, ou du moins ne m'ont pas autant marqué que je l'espérais. Sans compter le passage le plus embarrassant de la saga toute entière, d'une totale inutilité et d'un malaise rarement atteint. Si, si, je pèse mes mots.
La première scène est d'ailleurs assez cheap : pourquoi Will est-il seul à bord du Hollandais volant ? Et pourquoi a-t-il le visage incrusté de coquillages façon Bill le Bottier ? Jeff Nathanson n'a-t-il rien compris au principe même du Hollandais volant et à la fin du troisième volet ? Puisque l'on aborde le sujet, force est de constater que le retour tant attendu des seconds rôles absents du quatrième épisode est très décevant, leurs apparitions étant réduites au strict minimum. Gibbs et Marty passent inaperçus tandis que la réintroduction de Will et Elizabeth au sein de la franchise se limitent seulement à deux scénettes en début et fin de film. Et pinaise, ils ont vachement morflé les acteurs incarnant Mullroy et Murtogg… On regrettera également l'absence de certains comédiens de doublage à laquelle la série nous avait habitués (notamment Patrick Floersheim, la voix française de Barbossa). Certains personnages et sous-intrigues sont d'ailleurs introduits pour au final ne mener à rien, à l'instar du capitaine anglais joué par Faramir et qui n'est guère d'une très grande utilité, ou encore de la sorcière interprétée par Golshifteh Farahani, à qui Jack aurait éventuellement pu faire des avances sirupeuses si cette dernière avait occupée une place suffisamment importante au sein de l'intrigue.
Sinon, rien à dire de particulier concernant la réalisation. Les « Roenberg » font le job, sans pour autant transcender le genre et/ou se montrer particulièrement audacieux. On notera néanmoins une direction d'acteurs en totale roue libre. Johnny Depp semble avoir définitivement lâché prise… Très sincèrement, ça me chagrine au plus haut point de voir mon acteur préféré sombrer dans des performances toujours plus caricaturales et aux exactes antipodes de celles de ses débuts. Dans ce film-ci, le personnage comme le comédien font peine à voir. Je sais bien que son actualité est particulièrement difficile et que sa vie intime doit être des plus éprouvantes/désastreuses, mais il m'a véritablement semblé vidé de ses forces pendant une grande partie du film. La scène où Jack regarde mélancoliquement le Pearl dans sa bouteille m'a d'ailleurs fait un petit pincement au cœur.
Est-ce simplement dû au fait que mes attentes étaient trop élevées ou que je n'ai pas su ressentir la baisse de qualité de la franchise lorsque celle-ci commençait déjà à s’essouffler ? Au final, même si j'ai globalement passé un agréable moment (nostalgie oblige, on parle quand même de MA saga préférée), on retiendra de ce cinquième film une première partie tonitruante, deux-trois péripéties plus ou moins exaltantes et un dernier acte qui semble se réveiller un poil trop tard. Les personnages et l'univers avaient beau m'avoir manqué, il n'empêche que je reste pleinement conscient de leur utilisation outrancière au sein de ce nouvel opus.
PS : Et c'est quoi cette scène post-générique digne d'un Marvel ? Ne me dites pas qu'ils vont
ressusciter Davy Jones dans la suite, ou que Will est destiné/condamné à devenir un bad guy océanique
?