On croyait la saga morte et enterrée, tout du moins d’un point de vue artistique, après 15 ans d’existence et un quatrième épisode très moyen. Elle s’offre, avec "La vengeance de Salazar", une jolie et inattendue renaissance. Les scénaristes ont visiblement compris ce qui ne fonctionnait pas dans l’opus précédent (à commencer par l’omniprésence de Sparrow, devenu la seule et unique attraction) et qu’ils aient rectifié le tir. On retrouve, ainsi, le ton de la trilogie d’origine et ce mélange ce comédie et d’aventure, saupoudré d’une pointe horrifique. On retrouve, également, de véritables enjeux dramatiques
(la quête du fils de Will pour faire revenir son père, Barbosa qui se découvre une fille et s’offre une réhabilitation…)
, des trahisons et autre combats navales en pagaille et nous en apprend un peu plus sur le passé de Sparrow (via un flash-back et un rajeunissement plutôt réussis). Le film joue, d’ailleurs, à fond la carte de la nostalgie, comme le confirme
les caméos de certains personnages emblématiques (Will Turner joué par Orlando Bloom, Elizabeth Swan jouée par Kiera Knightley et l’ombre de Davy Jones en menace finale)
. On retrouve une BO (signée Geoff Zanelli, qui reprend en partie les partitions cultes de Hans Zimmer) qui prend toute sa place et transcende le film... même si je n’aurai pas été contre un nouveau thème original, comme avaient su le faire les deuxième et troisième épisodes. Enfin, et surtout, on retrouve la dynamique qui avait fait le succès de la saga, avec un Jack Sparrow servant d’élément perturbateur (et, donc, de voleur de scène) à un couple atypique qui fait avancer l’intrigue. Pour la peine, on en serait presque revenu à une formule trop classique… mais le souvenir encore douloureux de l’opus précédent rend indulgent. Et puis, "La vengeance de Salazar" dispose d’un certain nombre d’atouts non négligeables qui lui permette de se distinguer gentiment. Son méchant (campé par un Javier Bardem, comme toujours, habité), tout d’abord, s’avère assez original dans son obsession contre Sparrow et, surtout, dans ses limites physiques qui le rendent intéressant (contrairement aux méchants tout puissants et increvables, qui ne sont jamais très passionnants). Son look (ainsi que son bateau et son équipage) en fait, du reste, un vrai personnage de conte d’horreur et donne une indéniable force visuelle au film. Le couple vedette est, également, une satisfaction puisqu’il a bénéficié d’une écriture dont n’avait pas bénéficié le jeune marin et la sirène de "La Fontaine de jouvence". Ici, Henry Turner (Brendon Twaithes, un peu trop beau gosse pour être totalement convaincant mais qui fait le boulot) est un fils qui a grandi sans son père et qui entend tout faire pour le délivrer de sa malédiction. Quant à Carina Smyth (Kaya Scoledario, excellente), elle épate par sa volonté de transcender son statut de femme auquel la société veut la cantonner. Leur relation fait, du reste des étincelles et ne correspond pas forcément aux canons habituels. Et puis, il y a, bien sûr, Jack Sparrow (Johnny Depp, en meilleur forme ici que dans les tabloïds) sans qui la saga ne serait rien et qui retrouve de sa superbe (et de son intérêt !), à coups de dialogues percutants, d’état d’ivresse quasi-permanent et de coups tordus en tout genre. Quant à Barbosa (Geoffrey Rush, toujours aussi cabotin mais avec une pointe d’humanité complémentaire), il retrouve son rang d’ancien rival devenu allié mais pas trop, qui fait tout son sel. On pourra toujours reprocher à l’intrigue de tirer un peu trop sur la corde niveau "rencontres fortuites" mais bien opportunes
(Salazar qui tombe sur le fils de Will Turner, Henry qui tombe sur Sparrow, Barbosa qui tombe sur sa fille…)
. Le film met, du reste, un peu de temps à trouver sa vitesse de croisière. Mais ces défauts sont acceptables dans ce genre de production (qui plus est quand on n’en attend pas forcément grand-chose) et sont gommés par la qualité des dialogues, souvent très drôles
(je ne me suis pas encore remis de la scène de la blague de l’Oncle de Sparrow, campé par Sir Paul McCartney en personne !)
et la mise en scène bien foutue de Joachim Rønning et Espen Sandberg, qui laisse à penser que le budget alloué est bien supérieur au film précédent (ce qui n’est pourtant pas le cas !). Ainsi, sans atteindre la qualité et l’originalité de la trilogie originale, "La Vengeance de Salazar" reste un épisode qui a rendu tout son souffle à une saga moribonde et qui remplit pleinement son rôle de divertissement spectaculaire. On en attendrait presque la suite…
ne serait-ce que pour voir ce que les scénaristes comptent faite de la forte intrigante scène post-générique.