Je dois avouer que j'y allais à reculons. Un premier film un peu en mode comédie romantique, avec Binoche (dont je ne suis pas un des plus grands admirateurs…), et des critiques plutôt négatives entendues en amont… Encore une fois c'est une bonne chose, parce que du coup j'ai été agréablement surpris par plusieurs choses. Juliette Binoche, que je l'apprécie ou non, et réellement une bonne actrice, et hors quelques moments un peu mélo qui m'ont un peu gêné, elle livre une performance plutôt convaincante dans le rôle de cette femme qui a oublié 15 ans de sa vie. Mathieu Kassovitz en face, est parfois en "sous-jeu" mais cela va plutôt bien au personnage et ce n'est pas toujours le cas : à la fin notamment, il est extrêmement touchant. Au fond, le film nous le montre de façon impressionniste : en effet, on suit le personnage de Binoche tout du long, et de lui on ne sait que très peu. Il parle peu et se livre tout autant. Quelle est son implication dans le divorce ? Comment se senti-il par rapport à la phase qu'il traverse avec sa femme ? Etc. De ce côté-là, l'intrigue est plutôt réussie, mais c'est quand même le second plan. Le premier plan de l'histoire, qui est "sensé" nous intéresser plus, et bien nous intéresse moins. Jeune Binoche se retrouve après sa première nuit d'amour avec Jeune Kassovitz dans la peau de Binoche Working Woman. 15 ans, entre 1996 et 2011, il y avait tout de même foule de choses à traiter qui ici sont le plus souvent éclipsées. Entre une lecture rapide d'un journal on passe en revue Michael Jackson et Barack Obama ? Une discussion avec un passant : la coupe du monde de 98 ? (Cette scène est prise sur la fin et Binoche demande en substance "qu'est-ce que j'ai raté d'autre ?" Peut-être est-ce le résultat d'une scène coupée ? Si c'est le cas, c'est dommage). Binoche utilise son téléphone portable sans surprise (pourtant, entre 96 et 2011, elle a beau ne pas avoir un iPhone, c'est tout de même un bien joli smartphone du type Blackberry… Pas évident après les Motorola et autres Alcatel !) et navigue sur son ordinateur sur lesquels elle voit ses comptes en banque ("j'ai plein de thunes, et c'est en euros !" haha…). Certes, ce n'est pas forcément le propos, mais ce genre de détails peut étoffer un scénario (la scène savoureuse de la femme de ménage qui aide Binoche à retrouver sa voiture dans le parking en actionnant la télécommande de la clé le bras en l'air devant le regard sceptique de Binoche va dans ce sens-là et réussit efficacement son coup). En bref, toute une partie du potentiel de l'histoire est évincée au profit des états d'âme de cette femme qui se rend compte que ce ne sont pas ces 15 années qui ont tout foutu en l'air, mais qu'il y a 15 ans, tout le potentiel "mal" était déjà en germe dans sa personnalité et sa façon de réagir aux autres, à son environnement. Pour un premier film, c'est tout de même une petite réussite, c'est tout du moins très encourageant, la mise en scène, la photographie et la direction d'acteur étant plutôt réussie. Une bonne surprise. Mais toujours pas la priorité cinématographique du mois.
Source : Plog Magazine, les critiques des ours
http://lescritiquesdesours.blogspot.fr/2012/02/la-vie-dune-autre.html