La musique, la vraie (pas la musiquette) s'écrit souvent dans la douleur, toujours dans l'émotion. Elle s'interprète de même, et aucune interprétation n'est similaire, car nourrie de l'émotion (voire de la douleur) des musiciens. Ce "A Late Quartet" illustre cette constatation banale d'une façon qui peut paraître également banale, avec une description par le menu de quelques semaines du travail du quatuor "La Fugue", quand reprend la saison musicale, par la préparation du concert du 25ème anniversaire, à New York, avant tournée mondiale, comme à l'accoutumée. Peter Mitchell (Christopher Walken, parfait), le violoncelliste septuagénaire, apprend qu'il est au début d'une maladie de Parkinson, qui va rapidement l'empêcher de tenir sa place dans la formation et prépare sa succession. Mais ce passage de témoin ne va pas se faire aussi facilement qu'il l'escomptait, car entre les réveils d'égo du second violon, Robert Gelbart (Philip Seymour-Hoffman, magnifique), lesquels ne s'arrêtent pas au seul plan professionnel, ce qui provoque l'ire de l'altiste, Juliette, par ailleurs son épouse (Catherine Keener, toujours aussi lumineuse) et la romance "inappropriée" de Daniel Lerner, le premier violon (Mark Ivanir - que je découvrais) avec la jeune et prometteuse Alexandra, la fille des Gelbart - 20 ans de moins que lui au compteur (Imogen Poots - la Britannique vue récemment en fille trop gâtée du "Very Englishman"), les chausse-trappes imprévues se multiplient, qui rendent le climat jusque-là serein entre les trois quadras et leur mentor (Juliette est d'ailleurs la "presque" fille de Peter et de sa défunte épouse Miriam, cantatrice pour sa part) de plus en plus lourd. La carrière de Peter s'arrête sur l'opus 131 de Beethoven (son quatuor pour cordes n°14, en ut dièse mineur), dont les répétitions chaotiques, puis l'exécution interrompue à dessein en concert servent de fil rouge dans ce psychodrame musical admirablement construit, mais souvent austère dans la progression, et volontiers bavard (mais jamais verbeux), ce qui peut en rebuter plus d'un. Accrochez-vous, car ce film de l'Israélo-américain Yaron Zilberman le mérite, belle leçon de vie, d'humanité et de musique, surtout (comment quatre individualités fortes savent trouver la dynamique d'ensemble nécessaire).