Voila une débutante en cinéma qui n'a pas froid aux yeux. Au lieu de nous narrer quelque marivaudage entre couples germano-pratins, Alice Winocour s'attaque au grand professeur Charcot, et aux étranges méthodes mises en oeuvre dans ses amphithéatres.
Charcot a certainement été un grand médecin, qui a fait faire à la neurologie des pas décisifs. Il a influencé Freud, qui fut son stagiaire. Mais, en ce qui concerne l'hystérie, cette maladie qui.... a complètement disparu, ce qui est quand même un cas rare dans l'histoire des maladies, on peut se poser bien des questions. Pendant le régne de Charcot, tout le monde était hystérique, (ce dont Maupassant avait bien raison de se moquer....), un peu comme maintenant, tout le monde a une petite déprime. Les hystériques étaient en grande majorité des jeunes femmes, et on les exhibait aux cours du mardi de la Salpétrière. Les crises pouvaient être déclenchées par une simple séance d'hypnose -autre bizarrerie, et les malheureuses se convulsaient, donnant éventuellement des signes d'excitation sexuelle, pour le plus grand plaisir d'hommes du monde accompagnés de quelques élégantes enchapeautées.
Augustine, petite bonne (Winokour l'a vieillie pour les besoins du film), pas encore réglée mais déja un corps de femme, apparait donc à Charcot, qui rêve d'ascension sociale, comme une super bête de foire. Elle déclenche à volonté des crises spectaculaires..... Hyper sensible à la souffrance animale, à la vue du sang, elle passe au gré de chocs affectifs d'une paralysie de l'oeil droit à une paralysie du bras gauche. Et surtout elle croit, de toutes ses forces que le démiurge va la guérir... Pourtant, celui çi ne l'écoute pas, ne veut pas savoir qu'elle a été violentée par le passé. Il ne pense pas les manifestations d'excitation sexuelle des malades soient à prendre particulièrement en considération. Et il fait preuve, en règle générale, d'une indifférence, d'un manque d'empathie, pour ne pas dire d'un mépris, pour toutes ses malades.
La façon dont Winokour fait vivre ce monde de l'hopital du 19eme siècle est épatante. Par contre, on n'est pas obligé de souscrire à la licence romanesque que Winocour s'est autorisée pour expliquer la disparition bizarre d'Augustine. A vrai dire, on n'y croit même pas du tout.... Par contre, on imagine bien Augustine amoureuse de celui dont elle attend tant!
Vincent Lindon est formidable -on se demande ce qu'il ne pourrait pas jouer! et la robuste Soko prend son rôle à bras le corps, avec une présence et une animalité tout à fait exceptionnelles. Chiara Mastroianni (qui avec l'âge ressemble de plus en plus à Papa, pas de chance quand on a une Maman qui s'appelle Deneuve) interprète l'épouse de Charcot, elle est très présente dans le film, sans que ses relations (relations polies au sein d'un couple de la bonne société?) avec le grand homme soient vraiment explicitées. Enfin, l'excellent Olivier Rabourdin joue Bourneville, le second de Charcot. Que du bon, donc....
Voila un premier film prometteur, à la fois pour la richesse de son évocation historique, et pour la froideur du regard jeté sur les protagonistes. Il n'y a pas, dans le dialogue, une parole de trop. Winocour a tout compris, d'un seul coup. On l'attend au prochain.