Les accroches pour aller voir ce film sont faibles, et donnent plutôt l'envie de passer dessus: un réalisateur sorti de quasi nulle part, une actrice principale fille à papa, dont la mère tient d'ailleurs un des rôles principaux, témoignant d'un entre-soi consanguin du petit cinoche intello français, n'en jetez plus... Et si je suis allé le voir c'est uniquement parce que la prestation de Reda Kateb dans "Qu'un seul tienne les autres suivront" m'avait bluffé; il est de la famille de Kateb Yacine, le grand écrivain algérien. Bon... Après tout, tant mieux pour eux. Le thème lui-même rebute; le lien émotionnel entre un kidnappeur gentil bourreau et sa victime enfermée dans la cave, pendant de nombreuses années formatrices d'adolescence. Un petit message écrit en début de projection fleure bon une certaine humilité; ce n'est que le fruit romanesque de son auteur. La suite prouvera que c'est vrai. L'histoire est bien amenée. Certains trouveront cela surréaliste, mais quand on sait ce qui se passe dans le monde... La direction d'acteurs est époustouflante. La fille à son réalisateur de papa, Agathe Bonitzer, est équilibrée, avec aisance, sur le fil des troubles introspectifs et de leur expression crédible dans le jeu d'actrice. Elle est excellente : on peut s'identifier à l'histoire de son personnage. Reda Kateb fut comme je l'attendais, un killer. Pour n'en citer qu'une; il y a une scène où son personnage solitaire, à l'écart de la grosse majorité des relations sociales, invite un pote de travail qu'il apprécie, ils se balancent des vannes, et lorsqu'il nettoie quelques assiettes dans un évier avant de les poser dans le lave-vaisselle, un sentiment de chaleur humaine le saisit, en même temps que la nécessite de rester "maître de soi", pour ne pas se rendre vulnérable aux déceptions de la vie, et sur son visage, il y a une petite série de micro-expressions, entre sourire qui arrive puis qui part, jusqu'à ce qu'il retrouve son abîme intérieur pseudo-confortable et habituel. C'est intensément fait, et pas à la portée de tout le monde. Quant à Hélène Fillières, pourquoi la critiquer alors qu'elle pourrait me coucher d'une seule caresse bien faite. Allez-y sans problème, ce road-trip atour d'une psychologie traumatisé par le hasard tient la route, et fait honneur au cinéma français.