Une heure ! Il aura fallu attendre une heure pour que ce film se lance enfin ! Mais quelle plaie ! Alors je ne dis pas ça pour enfoncer ce film – bien au contraire – je le dis justement parce que cette "Camille redouble" a vraiment un truc pour lui selon moi, mais que cet « amateurisme » de la réalisation a bien failli me faire passer à côté de tout ce que ce film avait de bon à me proposer. Je dis ça notamment pour tous ceux qui, comme moi, sont des désabusés du cinéma « à la française » et en ont marre de ce coltiner les mêmes films bavards, parlant des mêmes personnes et abordant sans cesse les mêmes sujets... Parce que c'est vrai que sur ce point, "Camille" accumule les stéréotypes : on est encore avec des quadra-cinqua parisiens, vivant dans le monde du spectacle, qui se posent des questions sur les choix qu'ils ont pu prendre au cours de leur vie, notamment leurs choix amoureux... Sur 200 films français qui sortent par an, il y en a bien 150 qui chèckent chacun de ces points que je viens d'énumérer, voilà donc pourquoi j'étais plus que septique lors de la première heure de ce dernier film de Noémie Lvovsky. A cela s'ajoutait en plus de nombreuses lourdeurs : un récit linéaire en forme de dissertation, où les idées s'enchaînent les unes après les autres, sans former d'unité, et où le seul intérêt semble reposer dans une nostalgie déjà mainte fois vue qui, en plus, ne me parle pas du tout, tant celle-ci se limite à un aspect purement générationnel, ne parvenant pas à faire ressortir la part d'universalité qui pourrait ressortir de chacun des souvenir qu'elle évoque. Bref, pendant une heure, "Camille redouble" est clairement un film « français », dans le mauvais sens du terme, et rien ne semble pouvoir le sauver. Seuls les spectateurs patients (ou n'ayant rien d'autre à faire) pourront donc profiter du moment où Noémie Lvovsky commence enfin à exploiter les possibilités de son scénario. Face à des évènements dont elle sait qu'ils vont lui apporter les plus grandes joies et les plus grandes peines de sa vie, Camille va-t-elle choisir de les revivre malgré tout ou de se choisir une autre voie ? C'est à partir du moment où ENFIN le film se décide à aborder cette question que j'ai commencé à me sentir impliqué dans le film. A partir de là, je trouve qu'enfin ce long-métrage offre des moments vraiment tendres et forts. La portée de chaque personnage et de chaque évènement prend enfin de l'ampleur. Et – je suis d'accord avec ce que j’ai pu lire ailleurs – le fait que Noémie Lvovsky ait fait le choix de revivre son adolescence dans son corps d'adulte apporte un vrai double regard sur les épisodes qu'elle fait revivre à son personnage éponyme. Par contre, dommage du coup qu'elle se soit limitée à cette seule « audace », car quand je lis que Noémie Lvovsky a pris de gros risques scénaristiques en opérant ce retour dans le passé je ne peux m'empêcher de rire en pensant à l'auteur de ces mots (Viviane Pescheux pour ne pas le citer). Ça résume en effet tout ce que je pense de la mentalité du monde français du cinéma à l'égard de l’audace : moins on risque, plus on reste dans les carcans qui ont été fixés par l’aristocratie du septième art hexagonal, mieux c’est... Moi, quand je lis ça, je pense à l'époque où Alain Resnais se risquait encore à faire des films culottés comme "Je t’aime, je t’aime" ou bien encore à Gondry qui tire bien plus de sa fable amoureuse "Eternal Sunshine" que Lvovsky n'y parvient dans son "Camille redouble". Tout ça pour dire donc que, en fin de compte, il est bien sympa et fort sincère ce film de la charmante Noémie, mais qu'il est seulement bien dommage d'avoir à supporter autant d’ennui et de pesanteur formelle avant que le film ne se débride enfin et exprime définitivement ce qu'il avait à dire. Mais bon, ceux qui sont habitué à ce mal français sauront surement faire avec et du coup passe un bon moment avec cette Camille qui redouble. Donc pourquoi faire les fines bouches et s'en priver ?