La réunion de famille qui tourne mal (en fond, un mariage): du déjà vu, mais si encore c'était réussi! Or le résultat, brouillon, est médiocre. Sam Levinson semble manquer de maturité. Ce petit bourgeois ne sait même pas expliquer précisément ce qu'il a voulu dire. Il a cherché à représenter une famille américaine type, sauf qu'il s'est planté car il nous sert là une famille cliché, plutôt riche, middle class, dont les personnages, trop façonnés, sans grand relief, ne donnent lieu à presque aucun étonnement. La référence faite à FESTEN est là pour donner une référence mais, si on se met à comparer, alors ANOTHER HAPPY DAY ressemble à un sous-sous produit assez formaté (bien qu'indépendant). Et ça se veut dérangeant! Ben ça l'est pas. Un point positif: au bout du compte, on a l'impression que ce portrait comico-dramatique tient la route. Cependant, l'illusion est grotesque. Ça ne vole pas bien haut, on se contente de dérouler les souffrances de chacun-e. Levinson a cherché à dramatiser, là où il aurait dû générer de l'humour vache. Du coup, on ne sait plus où l'on va, si c'est une comédie ou un drame; plus on avance et plus on se rend compte qu'on pédale dans la semoule. Ellen Barkin nous gonfle, comme ses lèvres; quand elle parle, on voit bouger sa grosse lèvre inférieure, qui n'a rien de naturel (bouche collagénée, visage botoxé), avec son menton qui s'avance. Joue-t-elle bien? Je n'en ai pas l'impression. Hormis Barkin qui nous sert d'interminables moues pleurnichardes, on a heureusement Ezra Miller, énigmatique; mais il campe le même genre de rôle habituel, ici l'ado cynique un peu gauche qui cherche à fuir une réalité, à travers des expérimentations extrêmes. Kate Bosworth, crédible, incarne une jeune blonde fragile, frêle, à tendance suicidaire et en quête d'assurance. Mais on ne voit pas ce que ce personnage apporte précisément à l'histoire, sinon qu'il vient rejoindre une galerie de figures névrotiques comme un fait-exprès (pour avoir la dépressive, le drogué, la suicidaire, la dinde, l'alzheimerien, etc). On ajoute le petit garçon mal dégrossi, tendance autiste, on sait pas trop pourquoi. Il s'amuse à filmer son grand-père malade, à constituer des sortes de mini-reportages, c'est bien fait mais ça n'a pas grand intérêt. La grand-mère (Ellen Burstyn), dans sa carapace craquelante, semble la plus réelle grâce à une séquence émotion efficace. Demi More n'a pas un rôle à sa hauteur; on la voudrait plus rentre-dedans, elle finit en jolie pétasse auto-satisfaite. Les répliques cinglantes se font trop rares. Au moment où ça pourrait prendre, patatras, ça s'effondre en sauce, comme si le script s'auto-sabordait là où il pourrait prendre son envol dans un certain délire. On dirait que le réalisateur ne parvient pas à oser ses scènes jusqu'au bout, donc il coupe court. Du coup, ça patauge pas mal. Pas de coup vachard, rien de bien acerbe, les caractères manquent de complexité, on a l'impression de scénettes mises bout à bout, tout ça pour une issue muette, trop sage. La prise de parole de Lynn au mariage aurait pu donner lieu à un belle pirouette, mais non, c'est le calme plat, névrose redondante en toile de fond. Quand tout le monde fait la gueule, on peut se casser. L'humour affleure, moqueur, sans jamais provoquer d'hilarité. Il faut dire qu'on doit subir les longues simagrées et mises au point larmoyantes d'une femme dépressive, grimaçante, l'expression désespérée de trois autres (le môme, l'ado, la jeune adulte), sans parler du papy qui débloque, ce qui met la matriarche à rude épreuve. Ça manque de sérieux, de vérité; on a peine à y croire. La réalisation, lisse, n'épice guère plus le film. On nous sert le mariage ricain bourge-beauf cliché, en extérieur jardin, tente rose bonbon et cocktails. Bon choix cependant que d'achever le film par un magnifique blues de Nina Simone. En bref, à voir négligemment.