L’annonce d’une nouvelle référence cinématographique belge ne sera jamais démentie tant Bullhead semble impressionner sur son passage. Naissance d’un cinéaste, Michaël R. Roskam, qui maintenant travail aux Etats-Unis mais surtout sacre pour le comédien Matthias Schoenaerts, véritable bête de somme qui ici effraie autant qu’il touche un très large public. Film flamand d’origine modeste, l’œuvre de Roskam s’inscrit pourtant dans la veine des grands polars de notre temps, musclé, noir, tendu et d’une humanité indéniable. Ancré dans un univers rural belge que nous ne connaissons, pour la plupart absolument pas, Bullhead, sur fond de banditisme, de contrebande et de drame familial, c’est avant tout l’histoire de Jacky, homme blessé nourri aux testostérones, celles-là mêmes qu’il administre à son bétail pour augmenter sa production, ses bénéfices de vente. Découvrons donc ensemble le milieu du trafic de produits dopants dans un milieu agricole insoupçonnable.
Comme mentionné, outre la mise en scène brute de décoffrage de Michaël R. Roskam et la finesse du scénario, la réussite de Bullhead tient en grande partie à la prestation hors norme de son acteur principal, plus connu maintenant de par son passage chez Audiard dans le formidable De rouille et d’os. Bullhead marque la véritable naissance de l’acteur, ici transcendé en homme-animal au profit d’un drame poignant. D’apparence effrayante, Jacky est à la frontière de ce que l’humanité représente face au monde animal. Peut-être l’effet d’un complexe dont je vous laisserais prendre connaissance par vous-même. Solide prestation donc pour un Matthias Schoenaerts plus impressionnant encore qu’il n’apparaît finalement que comme martyr d’un récit policier troublant.
Le contexte exposé ici est également l’une des forces de la production. On sent d’emblée que Michaël R. Roskam semble très soucieux de retranscrire en détail un univers qu’il semble parfaitement maîtrisé. Sa Flandre, son pays et les subtilités linguistiques tiennent d’apparence très à cœur au cinéaste, d’où l’aspect très sincère de son film. Pas nécessairement très facile d’accès, Bullhead est pourtant d’une rare limpidité, d’une psychologie inédite mais très efficace. Dans le sillage de Jacky, le monde continue de tourner, cruellement, entraînant le bonhomme vers une destinée sombre que lui-même s’est fabriquée.
Un film choc, une révélation et un espoir incontournable pour le cinéma européen, belge. Décidément, les surprises ne viennent pas toujours de là ou on les attend. Phénomène flamand, Bullhead est sans conteste l’un des meilleurs films européens de ces quelques années passées, du simple fait qu’il est le révélateur du talent indiscutable de Mattias Schoenaerts, l’antithèse du plus connu des belges au cinéma, Van Damme. A ne manquer sous aucun prétexte. 17/20