Une bande annonce intrigante, un synopsis peu bavard, des critiques élogieuses, « Bullhead » a tout pour attirer le spectateur dans ses filets, et il en profite pour lui mettre une bonne tape derrière la tête. Au milieu de paysages agricoles belges envahis par la brume, se joue un trafic d'hormones qui monopolise la police locale. Le plus intéressant c'est que cette intrigue de polar, menée quasiment d'un bout à l'autre, ne sert "que" de toile de fond au portrait d'un homme, blessé. Un homme dont le corps porte à jamais les séquelles d'un souvenir pesant, qui va resurgir sous nos yeux. Véritable tournant que cette scène qui fait tout basculer, nous comme son héros, pour qu'on puisse enfin décoder ses réactions, lui qui déambule comme ses bêtes, le regard parfois mort... Cette entrée progressive dans la psychologie de son personnage principal est la grande force de ce long métrage, qui arrive à filmer la brutalité avec une étonnante sensibilité. La mise en scène est une vraie réussite, par ses changements de points de vue, son esthétique... Que dire de cet acteur formidable, Matthias Schoenaerts, massif, qui incarne cet homme tourmenté, écorché vif et socialement inadapté. Tour de force que de rendre son personnage attachant, sans jamais le rendre plus sympathique, mais en dévoilant à son insu, des faits qu'il enfouit au fond de lui. La relation qu'il entreprend avec Lucia, vendeuse en parfumerie, contient tellement de densité, d'enjeux, qu'elle est passionnante, autant que dévastatrice. Le final impressionne et laisse admirer deux noms à retenir du générique, un réalisateur très doué et un acteur complètement habité. Ponctué de quelques touches d'humour étonnantes, « Bullhead » est un film noir, bestial et brutal mais qui fait preuve d'une sensibilité refoulée impressionnante. Une réussite totale.