Porté par tout ce que j'ai lu sur ce film, mais surtout très intrigué par l'originalité du contexte du scénario - la mafia belge du trafic d'hormones pour élevage de bovins à engraisser - me suis lancé dans son visionnage. Non sans peurs.
Franchement, au départ, j'ai eu beaucoup de mal à accrocher, j'ai même failli abandonner. Il faut le dire ces histoires de négociations d'affaires autour du trafic d'hormones et de jeu du chat et de la souris avec les flics, sont bien peu passionnantes, très verbeuses, un peu compliquée à comprendre. Bienvenue "en terre inconnue" !
Puis, bon, on est en plein "Pays Plat", atmosphère très réaliste donc bien rude, bien crade et "brute de décoffrage" du milieu de l'élevage de bovins à la vie pas très exaltante - de mon point de vue, bien sûr... Pas beaucoup d'échappatoires pour les personnages, aux horizons limités... Il y a bien Jacky, le héros (Matthias Schoenaerts), cette masse de muscle, taciturne, aussi violente qu'une bête fauve, qui se dope à la testostérone...
Au moment, où j'ai failli décroché, survient la rupture scénaristique surprenante, très violente -je ne spoilerais pas-. Un vrai uppercut qui vous retourne le cerveau ! Au cours des négociations en cours, Jacky Vanmarsenille se reprend "en pleine gueule" une partie de son passé, hasard des rencontres et des circonstances. Les blessures se rouvrent, les souvenirs affluent...
A partir de ce moment là, on se rend compte que le cinéaste est, certes, talentueux, mais très intelligent, et qu'il s'est servi de ce milieu très peu cinématographique, glauque et sombre, pour nous conter la terrible tragédie d'un homme seul qui quoi qu'il fasse sera toujours ramené au traumatisme initial vécu étant enfant. Pas le choix. Une vraie "condamnation".
Le réalisateur, Michaël R. Roskam, suit dès lors un Matthias Schoenaerts qui sidère par le naturel de son jeu très instinctif et très animal, il fusionne avec ce personnage violent qui fait tout passer par le corps. Le film ne lâchera plus le drame et l'histoire intime de Jacky et ont sent que d'une manière ou d'une autre le résultat final sera très éloigné du "happy end" à l'américaine. Mais son cheminement et sa quête s'avèrent aussi bouleversante que puissante. Une grande empathie naît entre le spectateur et le personnage et nous permet de comprendre le pourquoi d'une telle vie et de son manque de perspectives d'avenir. Captivant.
Si le film réussit à nous embarquer, c'est aussi grâce à la mise en image de Roskam, naturaliste, esthétique, sans esbrouffe. Il y a des plans d'une force rare, à tomber par terre. Puis il y a la superbe partition orchestrale de Raf Keunen, dominée par les cordes, rendant le film encore plus "tragique" dans l'esprit.
Je vais tenter une comparaison risquée, Roskam ce serait un peu un Douglas Sirk, filmant à la manière d'un Bresson, d'un Audiard ou d'un Pialat, avec la modernité brute et violente d'un Nicolas Wending Refn... Mélange explosif !